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Libération
EDITORIAL

Désarroi

Publié le 23/08/2016 à 19h41

La raison semble reprendre le dessus aux Etats-Unis. Pour la grande majorité des experts, Hillary Clinton a pris une avance décisive dans la course à la Maison Blanche. Deux mois et demi avant l’échéance, elle l’emporte dans toutes les enquêtes d’opinion et domine la compétition dans les Etats qui font habituellement pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Un seul bémol dans ce diagnostic consensuel : aucun de ces commentateurs avisés n’avait prévu que Donald Trump puisse l’emporter dans les primaires républicaines… L’accident, donc, est toujours possible. Autrement dit, même si on s’habitue à tout en politique, l’incroyable est toujours là : un candidat brutal, grossier, farfelu, machiste, cynique, truqueur, outrancier et xénophobe, désavoué par une grande partie des responsables républicains, qui manie sans cesse l’insulte et la provocation, n’est qu’à cinq points derrière une femme expérimentée qui tient un discours raisonnable et argumenté.

L’affaire en dit long sur l’état politique de la planète. Aussi extravagant soit-il, Trump n’est pas un ovni, ni une aberrante exception. Il exprime dans sa fruste efficacité la montée du nationalisme qui touche les cinq continents, dans une protestation dangereuse et inexorable contre les excès d’une mondialisation sans loi. Un nationalisme débridé qui autorise le candidat «antisystème» à dénoncer l’immigration dans une nation d’immigrés, le libre-échange dans la plus forte économie du monde, le laxisme judiciaire dans la démocratie qui compte le plus grand nombre de détenus en regard de sa population. Même si elle fait long feu - ce qui n’est pas acquis -, l’équipée Trump interpelle tous les responsables, qui doivent mesurer le désarroi des peuples dans un monde trop dur pour les faibles et trop faible face à l’arrogance des nantis.