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Séisme

«La nuit, on n’a pas le temps de réagir si sa maison s’effondre»

Pour le sismologue Rémy Bossu, le lourd bilan humain s’explique aussi par l’ancienneté des bâtiments dans les villages du centre de l’Italie.

Le 24 août, dans les décombres d’Amatrice (Latium). (photos Filippo Monteforte. AFP)
Publié le 24/08/2016 à 19h31

Pour Rémy Bossu, secrétaire général du Centre sismologique euroméditerranéen, les pires conditions étaient réunies lors du séisme de magnitude 6,2 qui a touché le centre de l’Italie, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce tremblement de terre a-t-il eu lieu dans une zone à risque sismique ?

Cette région est la zone la plus sismique d’Italie. En moyenne, un séisme de magnitude 6 s’y produit à chaque décennie, pour un par siècle en France métropolitaine. En 2009, à 45 kilomètres au sud-est de l’épicentre de celui de cette nuit, des secousses de magnitude 6,3 avaient causé la mort de plus de 300 personnes dans la région de L’Aquila. En 1997, un séisme de magnitude 6,1 avait fait dix morts et endommagé la basilique Saint-François d’Assise dans la même région. Ces événements sismiques ne sont donc pas exceptionnels et provoquent généralement des dégâts dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de l’épicentre. Le facteur clé qui explique l’importance des dommages humains et matériels, aujourd’hui en Italie, est que le séisme s’est produit près de villages comportant de nombreux bâtiments anciens. Ce ne sont pas les séismes qui tuent, mais les bâtiments qui s’effondrent et les objets qui chutent. Le fait que les secousses se soient produites en pleine nuit, à 3 h 30, était la pire situation pour les habitants. C’est la période de la journée où le taux d’occupation des bâtiments est le plus important, et ils n’ont pas le temps de réagir si leur maison s’effondre.

Sont-ils préparés à ces événements ?

Il y a une très forte culture du risque sismique en Italie. Dès que des petites secousses sont ressenties, certains habitants vont dormir dans leur voiture. Mais dans le cas de la nuit de mardi, il n’y a pas eu d’alerte préalable, pas de petites secousses. Par ailleurs, toutes les nouvelles infrastructures sont construites selon des normes parasismiques, mais il reste beaucoup de bâtiments anciens dans la région. Les sécuriser et les adapter aux aléas sismiques représente un coût énorme. Seuls les bâtiments sensibles (hôpitaux, écoles) font l’objet de telles rénovations.

Pourquoi cette région du centre de l’Italie est-elle particulièrement sujette aux séismes ?

C’est une zone très compliquée dont les aléas sismiques forts s’expliquent par la remontée de la plaque tectonique africaine vers l’Asie. Contrairement à la zone de subduction dans l’océan Pacifique, où les limites entre les plaques sont très claires, en Italie on observe une série de petites failles normales, c’est-à-dire des zones où les plaques s’écartent lentement, dans un sens parallèle à la côte sur la mer Adriatique. Trois régions du continent européen et du pourtour nord-méditerranéen connaissent des risques sismiques comparables : le sud des Balkans, la Turquie et l’Italie.