La plage s’est invitée sur le seuil de l’ambassade de France à Londres ce midi. Malgré le sable sur le sol, les ballons gonflables et les pelles en plastique, cette version britannique de Paris-Plage n’avait rien de ludique. La petite cinquantaine de femmes qui ont passé leur pause déjeuner dans le quartier chic de Knightsbridge n’était pas là pour fêter l’été mais pour protester contre l’interdiction du burkini en France.
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Outre-Manche, les photos de la femme voilée sommée de retirer sa tunique sur une plage niçoise ont choqué. «J'en ai eu la nausée, c'est tellement inquiétant et frustrant», lâche Esmat Jeraz, l'une des organisatrices. Cette Britannique de 26 ans qui porte le hijab a imaginé cette «beach party» avec un groupe de femmes «dont les trois quarts ne sont pas musulmanes» dans le but de «montrer notre solidarité et de protester contre une mesure islamophobe et misogyne».
Des femmes en bikini, burkini, ou coiffées d'un bonnet de bain sont donc venues brandir des pancartes «Ne cachez pas l'islamophobie sous le voile du féminisme», ou «Laissez-les porter ce qu'elles veulent», sous le regard amusé ou perplexe des policiers armés qui surveillent l'entrée de l'ambassade. «Cette loi [des arrêtés municipaux dans certaines villes du littoral français, ndlr] isole des femmes en raison de leur religion dans un contexte déjà difficile pour elles», déplore Jenna, une femme pasteur dont le vêtement traditionnel détonne avec le maillot de bain de sa voisine.
Si l'événement organisé à la dernière minute et réservé aux femmes a mobilisé presque autant de manifestantes que de journalistes, les organisatrices espèrent «secouer les autorités françaises pour qu'elles annulent l'interdiction». D'autres manifestations susceptibles d'attirer plus de monde sont prévues à Londres et à Leeds vendredi, à Édinbourg samedi, et les policiers de l'ambassade auront également le droit à un flash mob le 3 septembre.
Port du hijab autorisé dans la police écossaise
Alors que l'interdiction du burkini en France interloque le public et les médias britanniques, les policières écossaises viennent d'obtenir le droit de porter le hijab quand elles sont en service. Jusque-là, le voile n'était pas interdit mais elles devaient demander l'autorisation à leurs supérieurs. Sur le modèle de la Met, la police du Grand Londres, qui a autorisé cette option vestimentaire il y a plus de 10 ans, le commissaire en chef de Police Scotland espère ainsi encourager les musulmanes à intégrer les forces de l'ordre pour plus de diversité. «Comme beaucoup d'employeurs, surtout dans le secteur public, nous faisons en sorte que notre service soit représentatif des communautés que nous servons», a-t-il expliqué dans un communiqué. Le hijab n'est pas le seul signe religieux ostentatoire autorisé au sein de la police britannique. Les Sikh ont également le droit de porter le turban, sauf si le casque est obligatoire pour des raisons de sécurité.
Ce hasard de l'actualité fait sourire Esmat. «Cette mesure montre le décalage entre les deux pays. Je pense que le Royaume-Uni est unique, respecte les différentes cultures, religions, origines ethniques», affirme-t-elle. Un peu plus loin, Hannah, une autre manifestante, fait la moue : «J'aimerais dire que notre pays est plus tolérant mais je pense que ce n'est qu'une façade. L'islamophobie est aussi un gros problème ici.» Notamment depuis la victoire du Brexit, qui a vu augmenter les actes racistes, islamophobes et xénophobes. Le National Police Chiefs Council a enregistré 3 326 crimes de haine la dernière quinzaine de juillet, soit une augmentation de 40% par rapport à 2015.