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Histoire

Etranglé par le régime d’Al-Assad, Daraya capitule

Après un accord avec le régime, les habitants ont évacué vendredi ce bastion historique de la rébellion syrienne.

Publié le 26/08/2016 à 19h51

Traînant d’une main une valise à roulettes et de l’autre un enfant en bas âge, des centaines de femmes de Daraya ont traversé pour la dernière fois ce qui reste de leur ville en ruines. Certaines ont fait un détour par le cimetière pour une prière d’adieu à leurs fils, frères, maris ou proches disparus. Puis des véhicules du Croissant-Rouge syrien les attendaient pour les conduire jusqu’à la localité voisine de Sahnaya, quelques kilomètres plus au sud. Ce premier groupe de civils doit être suivi dans les prochaines quarante-huit heures par les combattants rebelles et leurs familles, qui devraient gagner la région d’Idlib contrôlée par l’opposition, dans le nord-ouest du pays.

L’accord d’évacuation des 8 500 habitants encore présents à Daraya, qui en comptait 250 000 en 2011 avant le conflit, marque une victoire emblématique pour l’armée de Bachar al-Assad. Une grosse épine dans le flanc du régime syrien vient d’être arrachée. Cette localité au sud-ouest de Damas, la capitale, avait été l’une des premières à se soulever contre son autorité au printemps 2011. Assiégée depuis l’automne 2012, elle a continué à défier sa puissance de feu et à nourrir sa rancune. Les batailles entre les forces prorégime et les groupes combattants de la ville ont fait des milliers de morts des deux côtés en cinq ans. Trois mille civils ont également été tués dans les raids aériens à coups de barils d’explosifs.

Napalm. «Oui, on peut dire que c'est une capitulation, comme à la fin des guerres», admet Jawad Shourbaji, directeur de l'hebdomadaire syrien d'opposition Enab Baladi, maintenant publié à Istanbul. Avec un groupe de ses amis activistes, ils avaient créé ce journal à Daraya en 2011 et le distribuaient clandestinement dans la cité. «A l'amertume se mêle tout de même le soulagement que les dernières familles de la ville soient sauvées. La situation était désespérée, et il valait mieux éviter un sacrifice final», dit celui qui a quitté sa ville fin 2012.

Ces dernières semaines, les hélicoptères du régime larguaient sur les quartiers assiégés de Daraya des barils incendiaires chargés de napalm, ont témoigné des habitants. Certains jours, deux obus s'abattaient chaque minute sur la ville. Le régime avait en effet décidé d'en découdre avec la cité rebelle depuis le début de l'été. Ces derniers mois, l'armée d'Al-Assad avait réussi à assiéger totalement Daraya, en grignotant du territoire au sud et à l'ouest, et en séparant la ville de la localité voisine de Moadamiyyat al-Cham. Les champs de vignes et d'oliviers qui relient les deux communes avaient longtemps permis de ravitailler Daraya. Resserrant l'étau, le régime a refusé catégoriquement que toute aide internationale parvienne à la ville assiégée, malgré les pressions de tous côtés. «Tout sauf Daraya !» affirmaient clairement les représentants de Bachar al-Assad après un accord international pour apporter de l'aide aux zones assiégées. Le 1er juin, un convoi d'aide humanitaire était enfin entré dans la cité pour la première fois, mais sans nourriture, au grand désespoir de la population affamée. Un second convoi avait pu entrer dix jours plus tard.

Notables. L'ONU, qui avait mené l'an dernier les négociations pour une trêve à Moadamiyyat entre rebelles et régime, a refusé de faire de même pour Daraya. Ses représentants ont recommandé une entente directe entre les deux parties, tout en considérant que l'évacuation totale de la ville était la seule possibilité restante. Des négociations ont été engagées entre, d'un côté, les notables locaux en coordination avec les chefs des brigades combattantes et le conseil civil de la ville et, de l'autre, un colonel de la quatrième brigade de l'armée régulière, force d'élite auparavant commandée par Maher al-Assad, frère du chef de l'Etat syrien.

La situation stratégique de Daraya, à la sortie sud de Damas et près de la base aérienne de Mazzé, siège des services de renseignements de l’armée de l’air et de leur prison, ne lui laissait aucune chance. Totalement vidée de sa population, la ville, célèbre pour son raisin blanc aux grains longs et sucrés, va sans doute être transformée en base militaire, dès qu’auront été rasés ses immeubles dévastés.