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Une épine russe dans le pied géorgien

Ce territoire, à l’instar de l’Abkhazie voisine, reste au cœur des tensions entre Tbilissi et Moscou, et parasite la politique de rapprochement avec l’Occident.
publié le 29 août 2016 à 19h21

A Gori, ville natale de Staline, une sculpture en forme d'arbre, réalisée à partir de fragments de bombes, se dresse aux pieds des immeubles. Une petite plaque indique «Tree of life» («arbre de la vie»). C'est ici qu'au mois d'août 2008 plusieurs dizaines de Géorgiens sont morts sous les bombardements russes. La Russie répliquait alors à l'offensive menée dans la nuit du 7 au 8 août par l'ex-président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, pour reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud, une région dans le nord du pays, sécessionniste depuis la chute de l'Union soviétique en 1991. Au terme de cinq jours de conflit avec la Russie et d'une défaite cuisante de Tbilissi, un cessez-le-feu est signé sous l'égide de l'UE. L'Ossétie du Sud, tout comme sa voisine l'Abkhazie, est déclarée indépendante par la Russie, qui y installe des bases militaires.

«Normalisation». Alors que le pays panse encore ses plaies, le conflit reste au cœur de la politique géorgienne. Depuis la victoire en 2012 de la coalition du Rêve géorgien, le gouvernement mené par le milliardaire Bidzina Ivanichvili a engagé un processus de «normalisation» avec la Russie. «Sans sacrifier l'intérêt national de la Géorgie, comme l'intégrité territoriale ou la poursuite de l'adhésion à l'Otan, le gouvernement a tenté d'utiliser une approche plus pragmatique envers Moscou, en particulier dans les domaines de la culture et du commerce», décrit Kornely Kakachia, directeur de l'Institut géorgien d'études politiques.

Une série de mesures ont été prises dans ce sens, à l'image de la libération de 190 détenus, accusés d'espionnage pour la Russie, ou encore de la fermeture de la chaîne de télévision Kanal Pik, très critique envers la Russie. Même pendant la crise russo-ukrainienne de 2014, la Géorgie reste en retrait. Si Bidzina Ivanichvili a démissionné de son poste de Premier ministre après la victoire à l'élection présidentielle de 2013 du candidat du Rêve géorgien, Guiorgui Margvelachvili, l'oligarque continue de diriger le pays en sous-main. Sa politique est loin d'apporter les résultats escomptés. A l'exception de la levée en 2013 de l'embargo russe sur les vins, «ces mesures n'ont pas été suivies de réciprocités de l'autre côté, explique Thornike Gordadze, docteur en science politique et ex-ministre géorgien chargé de l'Intégration européenne et euro-atlantique. Pire, la Russie est beaucoup plus présente qu'avant en Géorgie, façon soft power, et les incidents sur les frontières perdurent, comme les enlèvements et les assassinats.»

Equilibre. Pour Kornely Kakachia, cet échec s'explique par la divergence des «intérêts nationaux géorgiens et russes, en particulier sur les questions de sécurité régionale, comme le processus d'adhésion à l'Otan». Car en parallèle, le gouvernement géorgien poursuit son rapprochement euro-atlantique, bien que certains alliés, craignant la réaction du géant russe, freinent pour le moment toute possibilité d'adhésion. Cette politique d'équilibre ne pourra durer éternellement. Les élections législatives du 8 octobre pourraient changer la donne. Une victoire de l'opposition incarnée par le Mouvement national uni (MNU) verrait la reprise d'une politique beaucoup plus active sur le front occidental et plus critique envers la Russie. Le résultat reste indécis. «Personne n'aura de majorité absolue, le gagnant sera celui qui réussira à mettre en place une coalition», analyse Thornike Gordadze.