Il y a moins d'un mois, le fondateur et rédacteur en chef de Zaman France, Emre Demir, déclarait à Libération : «On va trouver un moyen d'exercer notre métier, on ne va pas baisser les bras». Il reconnaissait toutefois «Il y a cependant beaucoup de pressions, des désabonnements, des menaces. La situation est actuellement très grave et ça peut encore s'amplifier». C'est chose faite depuis lundi. Le journal francophone, franchise du quotidien d'opposition Zaman, interdit en Turquie, ne pouvait plus résister à l'escalade des pressions. «Un travail systématique de harcèlement et de dénonciation de tous nos lecteurs et abonnés bi-nationaux qui ne peuvent être protégés par la juridiction française», a indiqué hier Emre Demir à Libération.
«Organisation terroriste»
Le responsable de Zaman France évoque des menaces contre les Franco-Turcs touchant au non-renouvellement de leurs passeports turcs et à la saisie de leurs biens en Turquie. Il dénonce «une atmosphère de délation organisée par le gouvernement turc et les relais de l'AKP en France [NDLR, parti du président turc Recep Tayep Erdogan]. Ils seraient majoritaires en France, où l'AKP a réuni près de 60% des suffrages parmi les électeurs turcs au niveau national et jusqu'à 85% dans la région Rhône-Alpes. A l'instar de ce qui se passe en Turquie, les lecteurs de Zaman France, soupçonnés de sympathie pour le mouvement guleniste, sont dénoncés comme liés à une «organisation terroriste».
La nécessité de protéger ses lecteurs mais aussi le retrait de la plus grande partie de ses abonnés et annonceurs ont rendu inévitable la fermeture de Zaman France. Dépendant pour son financement des abonnements et des publicités, l'hebdomadaire s'est retrouvé avec le couteau sous la gorge. Comme l'indique sa direction dans un communiqué d'adieu, l'hebdomadaire «n'a jamais perçu un seul centime de Turquie, ni même des Etats-Unis comme une certaine propagande s'est plu à le diffuser.»