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Libération
Analyse

Un pilier tombe, la maison tient encore

La mort d’Al-Adnani est un coup dur pour l’Etat islamique, mais sa structure et ses capacités de renouvellement assurent pour l’instant sa survie.
Des Syriens marchent au milieu des décombres après une attaque attribuée à l'Etat islamique contre Marea, dans le nord de la Syrie, le 8 avril 2015. (Photo Zein al-Rifai. AFP)
publié le 31 août 2016 à 20h41

Dans l'un de ses derniers messages, en mai, Abou Mohammed al-Adnani ironisait sur l'inutilité des bombardements contre l'Etat islamique (EI). «Même 20 000 frappes aériennes» n'ont pas réussi à anéantir l'organisation, se réjouissait-il. Celle qui l'a tué, à proximité d'Al-Bab, dans le nord de la Syrie, constitue pourtant bien «un vrai coup dur pour Daech», note un ex-membre de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). «Al-Adnani était plus qu'un porte-parole. Il avait aussi des responsabilités militaires et se situait dans le premier cercle dirigeant. Il ne sera pas facile à remplacer, même pour une organisation aussi bureaucratique que l'EI. Son ou ses successeurs devront entre autres reprendre le contact avec les jihadistes de son réseau qui risquent, eux, de se méfier.»

Clandestinité. La mort d'Al-Adnani accroît également la pression sur les dirigeants de l'Etat islamique, dont les déplacements sont déjà entravés après la perte, ces derniers mois, de plusieurs villes stratégiques, dont Fallouja, (en Irak), Manbij et Jarablous (en Syrie).

Pour autant, la disparition du porte-parole de l'EI est loin de porter un coup fatal à l'organisation. D'abord car elle dispose déjà de réseaux structurés et formés à la clandestinité. Sa stratégie d'attaques à l'étranger, que pilotait Al-Adnani, repose en outre sur l'autonomie de ses membres. Ce sont eux qui décident de la date des actions, voire de la cible et du mode opératoire. «Sauf dans le cas d'attaques complexes, comme celles du 13 Novembre, ils n'ont pas besoin d'une connexion avec l'état-major de Daech. Tout est disponible sur Internet, y compris les modèles de revendication», poursuit l'ex-agent de la DGSE.

L’exemple d’Al-Qaeda prouve enfin la résilience des groupes jihadistes lorsque leurs chefs disparaissent. Après le 11 Septembre, les Etats-Unis ont tué ou capturé des dizaines de responsables jihadistes, principalement en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. Ils ont éliminé près de dix fois le «numéro 3» de l’organisation, à chaque fois remplacé, lors de frappes de drones à la frontière afghano-pakistanaise. Même la mort d’Oussama ben Laden, en mai 2011, n’a pas provoqué la destruction d’Al-Qaeda. Le groupe est toujours présent au Sahel, au Yémen, en Afghanistan ou en Syrie. Les services de renseignements estiment qu’il est aujourd’hui redevenu au moins aussi dangereux que l’EI. Plusieurs attentats fomentés par Al-Qaeda ont été déjoués ces dernières années en Europe.

Vengeance. L'annonce de la mort d'Al-Adnani risque, elle, de pousser des jihadistes à commettre des attaques en Occident. Dès mercredi, des comptes Twitter affiliés à Daech appelaient à la vengeance. Des messages similaires avaient été diffusés mi-juillet, après que l'EI a reconnu la mort de son chef militaire, Abou Omar al-Shishani. Leurs auteurs ne font que suivre les recommandations d'Al-Adnani, qui n'a cessé d'exhorter ses partisans à commettre des attentats chez eux, avec n'importe quelle arme.