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Libération
Libé des photographes

Parti républicain : «J’ai vu la haine émerger»

Le photoreporter américain Danny Wilcox Frazier suit la campagne présidentielle du milliardaire Donald Trump. Il témoigne des divisions que suscite sa candidature au sein même des militants conservateurs.

Des primaires à la campagne présidentielle, en passant par la convention des républicains, le candidat Donald Trump a réussi à galvaniser une partie des sympathisants conservateurs. Danny Wilcox Frazier a voulu montrer cette inquiétante ferveur. (Photos Danny Wilcox Frazier. VII)
Publié le 01/09/2016 à 19h51

Le photographe américain Danny Wilcox Frazier, originaire de l’Iowa, dans le Midwest, suit le candidat républicain, Donald Trump. Il tente, par son travail, de rendre compte des tensions sociales et politiques qui animent la campagne pour la présidentielle de novembre.

La convention républicaine a-t-elle été compliquée à couvrir ?

Elle s’est ouverte en juillet à Cleveland, dans l’Ohio, quelques jours après l’attaque de policiers à Dallas. Comme je m’y attendais, les forces de sécurité étaient en alerte maximale. Le centre-ville était bouclé. C’était très étrange. Cela ne ressemblait pas à une convention politique, à une réunion faite pour débattre et pour sélectionner un candidat pour les présidentielles. C’était un événement fermé où seules des personnes triées sur le volet pouvaient venir. Une fois à l’intérieur, après avoir passé la sécurité, tout était très confortable. Cela ressemblait à une fête verrouillée, et non à un événement politique traditionnel.

Cette convention était-elle similaire à celles des précédentes élections présidentielles ?

La convention républicaine de 2008 était très différente. Elle se tenait à Saint Paul, dans le Minnesota. C’était vraiment l’idée que je me faisais d’une convention politique. La ville n’était pas vide. Il y avait de grandes manifestations devant. Ce qui diffère aussi est la ferveur différente que l’on sent chez les sympathisants de Donald Trump. Certains de ses supporteurs, pas tous, sont stimulés par les propos virulents du candidat. J’ai ressenti, au fil des mois, de la haine émerger. Lors des meetings, les idées vindicatives se sont peu à peu banalisées chez les partisans. Je sais que cette colère vient, en partie, de frustrations causées par la crise économique qui a touché fortement la population, surtout dans le Midwest. Mais, pour moi, la violence des propos tenus va au-delà. C’est très perturbant et difficile, à titre personnel, d’assister à ce genre de meetings. Mais en tant que photoreporter, je documente ce qui se passe, mon travail consiste à retransmettre cette ferveur.

Comment avez-vous été reçu par les sympathisants de Donald Trump ?

Dans les conventions, tout le monde s’attend à être devant l’objectif des photographes. Ces événements sont conçus pour cela, ce sont des spectacles politiques. Ce qui est difficile, c’est justement d’aller au-delà de ce show et d’atteindre ce qui est vraiment en train de se passer parmi les militants et les sympathisants, ce que révèle le mouvement de Donald Trump. Il faut réussir à se détacher de ce que le parti veut que l’on photographie et s’attendre à ce que des hommes politiques manipulent les clichés pour leur propre campagne. Cela m’était déjà arrivé en 2008.

Qu’avez-vous essayé de traduire dans ce reportage ?

Je veux que les gens comprennent que le Parti républicain est divisé. Qu’une partie est galvanisée par Donald Trump, alors qu’une autre pense que son mouvement est trop radical. Je veux montrer cette tension, que les lecteurs s’interrogent sur ce phénomène qui, selon moi, est inquiétant.

Mon approche est très différente de celle que j’avais adoptée dans mes précédentes couvertures des élections présidentielles américaines. J’essaie de prendre des photos qui vont au-delà des grands titres. Progressivement, je ne travaille plus avec les autres photographes, je fais de mon mieux pour me mettre à l’écart, et donner à voir l’envers du décor.