Menu
Libération
Hongkong

«La révolution des parapluies», toujours un pépin pour Pékin

Hongkong, la révolution des parapluiesdossier
Depuis la contestation de 2014, la Chine guette toute velléité indépendantiste de ses territoires et voit d’un mauvais œil l’élection d’une présidente progressiste à Taiwan.
Les parapluies sont devenus le symbole du mouvement hongkongais. (Photo Bobby Yip. Reuters)
publié le 2 septembre 2016 à 19h41

Le régime communiste chinois n’a jamais aimé les élections. Et celles qui se jouent ce dimanche à Hongkong remplissent les conditions pour agacer Pékin, plus que jamais soucieux d’accroître sa mainmise sur le territoire rentré dans son giron en 1997. Si le système électoral instauré au moment de sa rétrocession par le Royaume-Uni rend compliquée toute évolution radicale, il offre néanmoins un espace de débat et une liberté d’expression inenvisageables sur le continent. Et c’est bien ce qui tracasse les autorités chinoises, en pleine affirmation de puissance en Asie.

Quelques mois après l'arrivée en force des indépendantistes à Taiwan et deux ans après la «révolution des parapluies» à Hongkong, elles voient leur autorité discutée. A l'automne 2014, des militants prodémocratie avaient occupé le centre-ville de Hongkong pour exiger une refonte du système d'élection du chef exécutif du gouvernement. Ils avaient en partie paralysé la ville pendant trois mois, mais sans rien obtenir de Pékin. Deux ans plus tard, si ce mouvement s'est désagrégé, des partis politiques ont été créés sur les cendres de la mobilisation. Leurs leaders, des jeunes pour la plupart, jugent que l'expérience de la démocratie reste limitée dans l'orbite chinoise. Ces derniers mois, ils ont pris fait et cause pour l'autodétermination, sinon l'indépendance, redoutant la fin de l'accord sino-britannique sur la rétrocession, dont la finalisation est prévue en 2047.

Exclus

En vertu du principe «un pays, deux systèmes», le territoire jouit d'un régime de faveurs et de libertés inexistant en Chine continentale. «La souveraineté de Hongkong n'appartient pas à Xi Jinping [le président chinois], elle n'appartient pas aux autorités et n'appartient pas au gouvernement de Hongkong. Elle appartient au peuple de Hongkong», déclarait, le 5 août, le chef du parti Hongkong Indigenous, Edward Leung. Ce jour-là, des milliers de personnes s'étaient rassemblées pour manifester en faveur de l'indépendance, un thème jusqu'alors tabou. Parmi eux figuraient des candidats exclus des élections législatives car trop indépendantistes, comme Edward Leung ou Andy Chan du Parti national de Hongkong. Ils avaient pourtant signé une déclaration très controversée stipulant que le territoire restait une partie «inaliénable» de la Chine.

«Epouvantail»

Sur la défensive et en proie à une dérive nationaliste et agressive, surtout depuis l'arrivée de Xi en 2013, Pékin cible la «dangereuse absurdité» de l'indépendance. «Le régime se crispe et se livre à un jeu peu stratégique en grossissant l'importance de ce mouvement indépendantiste, analyse Jean-Pierre Cabestan, de la faculté des sciences sociales de l'Université baptiste de Hongkong. Il en a fait un épouvantail en espérant que ça va rallier les gens au parti pro-Pékin, c'est évidemment le contraire qui se produit.» De nombreux Hongkongais estiment non sans raison que l'espace des libertés s'est dégradé ces dernières années. Des candidats ont été empêchés de se présenter. L'école est devenue le théâtre d'un bras de fer entre pro et anti-Chinois, qui se disputent la possibilité de débattre de l'indépendance dans les salles de classe. Le kidnapping de libraires hongkongais, critiques à l'égard du modèle chinois et de sa corruption, et leur pitoyable réapparition devant les caméras en début d'année, sont venus confirmer les craintes d'une vigoureuse reprise en main par Pékin.

Selon un sondage de l'Université chinoise de Hongkong, 40 % des moins de 25 ans soutiennent l'indépendance. «La Chine est moins populaire à Hongkong qu'elle l'était il y a encore quelques années, notamment chez les jeunes qui expriment de plus en plus leurs frustrations. L'affirmation de puissance de Xi, qui tape partout, est maladroite», poursuit Jean-Pierre Cabestan. Pékin voit aussi d'un mauvais œil le résultat de la dernière présidentielle à Taiwan, que la Chine considère comme une province renégate depuis 1949. En janvier, l'élection de Tsai Ing-wen et la victoire de son Parti démocratique progressiste, ont sonné le branle-bas chez les Chinois du continent. Ils ont noté que beaucoup de Hongkongais avaient fait le voyage à Taipei pour suivre et soutenir la campagne de la première présidente du monde chinois. Depuis, ils font pression tous azimuts sur elle qui, lors de son investiture, s'était adressée au «peuple libre et démocratique» de Taiwan. Pour marquer sa différence et prendre ses distances avec l'autre rive du détroit de Formose.