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Libération

D’anecdotes en analyses, un ancien ponte de la DGSE lâche des secrets

publié le 4 septembre 2016 à 20h41

«Ça a été un choc assez violent de découvrir que les Américains avaient piraté l'Elysée en 2012.» Cette confidence, Bernard Barbier, directeur technique du service de renseignement extérieur français, la DGSE, jusqu'en 2013, la livrait l'année dernière à Libération et aux auteurs du documentaire Cyberguerre, l'arme fatale ?, confirmant des informations déjà parues. En juin, lors d'une conférence filmée devant les élèves de l'école d'ingénieurs Centrale-Supélec, il a livré des détails supplémentaires.

Sarkozy et «le secret»

Les révélations de Libération et WikiLeaks sur l'espionnage par la NSA de trois présidents de la République successifs en avaient apporté, l'été dernier, la démonstration : au plus haut niveau de l'Etat, on a longtemps traité avec légèreté la question des téléphones portables. A ce sujet, Bernard Barbier livre une anecdote savoureuse. A l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, en 2007, la DGSE est chargée de sensibiliser l'Elysée sur la question. Et, pour ce faire, organise une démonstration : «On va s'installer comme si on était dans l'ambassade des Etats-Unis [à quasiment 100 mètres de l'Elysée], détaille Barbier . Ce qu'on va faire, c'est qu'avec nos propres équipements, on va écouter les téléphones de l'Elysée, et on va hacker les systèmes et les smartphones utilisés par les gens.» «Le président Sarkozy vient à la fin, poursuit Bernard Barbier. Mon directeur général, M. Brochand [patron de la DGSE de 2002 à 2008, ndlr], expose ce qu'on a fait, etc. Sarkozy regarde Brochand, il dit : "Le secret, ça n'existe pas". On lui propose d'utiliser un téléphone sécurisé, il le jette à la poubelle, et dit : "Moi, j'utiliserai jamais vos trucs, y a pas de secrets dans ce qu'on fait, rien n'est secret." A l'Elysée, ils ont continué à utiliser leurs propres téléphones, à envoyer des SMS à tout-va pendant les conseils des ministres, avec nos alliés américains en face.» Jusqu'aux révélations d'Edward Snowden, qui ont rappelé que l'espionnage se pratiquait aussi entre pays alliés.

La Rolex saoudienne

Avec bonhomie, Barbier raconte avoir accepté des cadeaux de ses homologues étrangers. Il ne se départit pas de son ton badin lorsqu'il explique que les Saoudiens lui ont offert… une Rolex : «C'est le seul cadeau que j'ai accepté de leur part. C'est une Rolex pas m'as-tu-vu, elle est blanche. Ils aiment les Rolex avec des diamants, de l'or… Ils ont essayé de me l'offrir plein de fois. Un jour, ils me présentent une Rolex très, très light. J'ai dit : "Ok, je la prends".» Les autorités du royaume l'ont aussi décoré de la plus haute médaille en remerciement des actions de son service et l'ont invité un week-end en Arabie Saoudite pour la lui remettre. Mais Bernard Barbier et sa «collègue de travail avec qui [il s']entendai[t] très bien» et qui avait «beaucoup participé» aux fameuses opérations voulaient faire un footing. Ils ont donc été logés à l'académie militaire, où ils ont pu trottiner loin des regards indiscrets. «Elle a gagné à la fin un superbe sac Vuitton.» Le déplacement en valait la peine.

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