Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou n'aime pas les ONG israéliennes de défense des droits de l'homme, qu'il présente comme les tenants d'une «cinquième colonne participant à la délégitimisation du pays». Mais il ne supporte pas davantage les organisations internationales travaillant dans les Territoires palestiniens. C'est avec cela en tête qu'il faut comprendre l'inculpation, début août, de Mohammad el-Halabi, directeur des opérations gazaouies de l'ONG chrétienne World Vision, et celle de Wahid Borsh, 38 ans, un ingénieur du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Certes, le Shabak (la Sûreté générale israélienne) prétend détenir un dossier «conséquent» contre El-Halabi, qui aurait détourné 7,2 millions de dollars (6,5 millions d'euros) de subsides au profit du Hamas.
Quant à Borsh, il aurait offert à la branche armée de l'organisation islamiste 300 tonnes de gravats sur le million déblayé depuis l'opération «Bordure protectrice» (la guerre de l'été 2014 entre Israël et les milices de Gaza). Cela, «pour permettre au Hamas de conforter sa base maritime» via la construction d'une jetée avec ces débris, affirme le Shabak. Mais les inculpés nient. Quant aux «preuves», le cabinet de Nétanyahou et celui du ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, affirment qu'elles «figurent dans le dossier». Le problème, c'est que personne n'y a accès, à part les avocats et encore, de manière partielle. Ce flou artistique n'empêche cependant pas les dirigeants israéliens de poursuivre l'offensive en accusant les ONG internationales de «soutenir le terrorisme sous couvert d'humanitaire». «World Vision a toujours été anti-israélienne. Je ne serais pas étonné d'apprendre qu'elle était au courant des agissements d'El-Halabi et qu'elle a fermé les yeux», assène Erdan. Qui poursuit : «Cette ONG n'est d'ailleurs pas la seule sur laquelle nous enquêtons, il y aura d'autres arrestations.»
Factions. Cette campagne israélienne n'est pas nouvelle. Elle a débuté durant la deuxième Intifada (2000-2004) lorsque l'entourage d'Ariel Sharon, alors Premier ministre, a accusé l'UNWRA (l'agence de l'ONU chargée d'aider les réfugiés palestiniens depuis 1949) de «sympathiser avec les terroristes». Plus tard, durant les quatre guerres qui ont opposé Israël aux factions palestiniennes de Gaza entre 2008 et 2014, les porte-parole de l'Etat hébreu ont poursuivi sur cette lancée. Complaisamment relayés par les médias locaux, ils ont accusé l'UNWRA d'être «complice du terrorisme» en laissant les milices tirer des roquettes à partir de certaines de ses installations.
A lire aussiSur le terrain, les humanitaires en plein doute
Clou. A l'occasion de l'interpellation de Wahid Borsh, l'ambassadeur d'Israël à l'ONU, un des faucons du Likoud, Danny Danon, a enfoncé le clou en prétendant que «le Hamas désigne les employés palestiniens de l'UNWRA et du Pnud». Donc, que ces organisations financées par la communauté internationale seraient ses satellites. C'était sans doute aller trop loin, car depuis plusieurs pays donateurs, dont la France et la Grande-Bretagne, ont appelé l'Etat hébreu à la modération. Ils lui ont également reproché de ne pas les avoir informés que des enquêtes visant les organisations qu'ils financent étaient en cours. Ce qu'Israël a démenti tout en promettant de poursuivre son «combat contre le terrorisme».