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Libération
EDITORIAL

Armes

Les faucheurs de chaises de Lyon, le 9 novembre, réquisitionnant des chaises de la banque HSBC rue de la République pour symboliser l'évasion fiscale. (Photo Bruno Amsellem pour «Libération»)
publié le 6 septembre 2016 à 20h51

L’évasion fiscale - et sa version présentable, l’optimisation - est un adversaire qui ne désarme jamais. Peut-être parce que ceux qui en font le lobby ont réussi à nous faire croire au fil du temps qu’il s’agissait au pire d’un mal nécessaire, au mieux d’un outil efficace pour pouvoir lutter à armes égales dans cette grande compétition mondialisée qu’est l’économie. Dans un livre récent (1), Eloi Laurent rappelait à quel point les mythologies économiques sont désormais au pouvoir, nourrissant les programmes de droite comme de gauche. Qui a la preuve que l’Etat est impuissant face aux marchés ? Qui a décidé que le modèle social français n’était pas compatible avec l’environnement économique mondial ? Qui a choisi de faire de la dette une lutte prioritaire plutôt que l’évasion fiscale ? De la mythologie à la mystification, il n’y a souvent qu’un pas, qui a été franchi en la matière. Pourtant, on ne peut pas dire que rien n’a été fait, mais les intérêts de chaque pays passent encore avant une position globale sur ces questions. Le récent exemple d’Apple épinglé par l’Union européenne est édifiant à plus d’un titre. Non seulement par le montant des impôts que la firme n’a pas payé du fait des largesses fiscales irlandaises (13 milliards d’euros) mais surtout par l’attitude de l’Irlande qui fait elle-même appel de cette sanction. Elle estime avoir plus d’intérêt à garder le géant américain sur son sol que de récupérer cet argent, dont elle a pourtant besoin, et Apple a beau jeu de mettre en avant le dynamisme économique qu’elle peut apporter à un pays en échange de conditions fiscales qui ne nuisent pas à son développement. Dans le grand livre du lobby, on appelle cela du gagnant-gagnant. Mais sinon, c’est juste du chantage.

(1) Nos mythologies économiques, éd. les Liens qui libèrent.