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Libération
Décryptage

Comment le Sri Lanka a éradiqué le paludisme

Le petit pays d'Asie du Sud-Est est un des rares à pouvoir se targuer d'avoir éliminé la maladie, qui a tué près de 500 000 personnes dans le monde en 2015.
Un moustique anophèle, vecteur du paludisme, prélevant une goutte de sang sur un humain. (Photo Jim Gathany. CDC. Reuters)
publié le 6 septembre 2016 à 17h03

Depuis les Maldives, l’an dernier, c’est le deuxième pays d’Asie du Sud-Est à se débarrasser du paludisme. Quand les autorités ont lancé leur campagne contre la maladie, potentiellement mortelle, en 1999, le Sri Lanka comptait encore 265 000 cas, sur 20 millions d’habitants. En 2008, le nombre de malades tombait à un millier, avant que le dernier cas soit déclaré en octobre 2012. Après quatre ans sans nouvelle contamination, l’Organisation mondiale de la santé, a déclaré, lundi, le paludisme officiellement éradiqué.

Comment s’y sont pris les autorités de Colombo ?

Le paludisme (ou malaria, en anglais) est une maladie causée par des parasites transmis par la piqûre des moustiques anophèles femelles. Les symptômes sont une forte fièvre, des maux de tête, tremblements et suées intenses, survenant dans le mois suivant l’infection. Les autorités, aidées par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont mis de côté la bataille contre le vecteur (DDT, insecticides…), qui était un échec, pour axer leur campagne sur le parasite lui-même, stocké essentiellement chez les êtres humains.

Une ligne téléphonique a été ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour signaler les cas de fièvre, et les malades diagnostiqués ont été soumis à un traitement adapté. Les médicaments antipaludéens ont été rationnés pour n’être délivrés que par le ministère, ce qui permettait d’enregistrer tous les cas. La distribution de moustiquaires imprégnées et la rénovation du système de santé ont limité la reproduction des moustiques et permis d’agir dans les zones les plus reculées.

Le cas du Sri Lanka est-il encourageant pour la région ? 

Pour le professeur Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, «c'est bien sûr une bonne nouvelle. Le Sri Lanka a mis les moyens, mais sa situation géographique, comme celle des Maldives, jouait en sa faveur. Il est plus facile de lutter contre une épidémie dans un pays insulaire, où il y a moins de transfert de population. C'est beaucoup plus difficile en Inde, qui avec son immense population est beaucoup plus ouvert sur les échanges. Et le cas du Sri Lanka n'avait rien à voir avec les pays les plus touchés d'Asie, comme le Vietnam, le Laos, le Cambodge ou le nord de la Thaïlande». En 2015, le paludisme a officiellement touché 112 000 personnes dans l'Inde voisine et en a tué 287, selon des chiffres considérés comme largement sous-évalués par certains chercheurs.

Cette éradication est-elle définitive ? 

En 1935, le Sri Lanka avait connu une épidémie tragique, avec 1,5 million de malades et 80 000 morts. Une première campagne, lancée dans les années 50, avait quasiment vaincu la maladie, avec seulement 17 cas recensés en 1963. Le relâchement de la surveillance avait permis une résurgence spectaculaire, avec un demi-million de cas en 1969. «L'éradication n'est pas stable et définitive. Le vecteur, le moustique, est toujours là, il faut prévenir de nouveaux cas et traiter les infections chroniques, alors qu'il y a un problème majeur de résistance aux médicaments, et que l'on n'a toujours pas mis au point de vaccin. Aucun pays d'Afrique n'a déclaré avoir éradiqué le paludisme. Même si depuis quinze ans, la fréquence du nombre de cas et le nombre de morts sont en baisse, on est loin, très loin de l'éradication sur la planète», conclut Pierre-Marie Girard. En 2015, le paludisme a touché 214 millions de personnes et fait 438 000 morts dans le monde.