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Libération

En Hongrie, le racisme vaut médaille

publié le 7 septembre 2016 à 20h41

Ils sont cinéaste, philosophe, chef d'orchestre… Certains retournent leur décoration par la poste, d'autres la mettent aux enchères. Depuis que le journaliste Zsolt Bayer, connu pour ses écrits racistes et antisémites, a été fait chevalier de l'Ordre du mérite au nom du gouvernement populiste et nationaliste de Viktor Orbán, le 20 août, plus de 100 personnalités ont rendu leur propre distinction. Et la liste s'allonge. Zsolt Bayer n'est pas un auteur marginal. Cet homme de médias de 53 ans est l'un des fondateurs du Fidesz, le parti du Premier ministre Orbán, dont Bayer a accompagné la mue. En 2002, il traite de  féreg  («vermine») l'auteur d'une biographie critique de Viktor Orbán, réintroduisant dans la vie publique le lexique nazi. En 2006, à Olaszliska, un village du nord du pays, un automobiliste est tabassé à mort devant ses deux enfants par des habitants roms, persuadés que l'homme a renversé une fillette (en fait indemne). «Quiconque, dans ce pays, renverse un enfant tsigane, agit correctement s'il appuie sur le champignon»,  écrit alors Bayer dans le quotidien Magyar Nemzet. Les mots auront un impact. En 2009, un commando de quatre hommes est arrêté après avoir assassiné des Roms dans plusieurs régions. Bilan : six morts, dont un garçonnet de 5 ans qui a reçu 17 balles, et une cinquantaine de blessés. Selon l'acte d'accusation, l'un des membres du commando a déclaré avoir été révolté par un long reportage télévisé de Zsolt Bayer. Ce dernier, lui, a été décoré. Officiellement, «pour ses investigations sur les victimes hongroises du Goulag ainsi que ses actions en faveur des minorités hongroises d'outre-frontière».

Ce n'est sans doute pas un hasard s'il est distingué en pleine campagne électorale. Le 2 octobre, le gouvernement appelle les électeurs à se prononcer par référendum contre le projet de Bruxelles de répartir les demandeurs d'asile entre les différents Etats membres, dont près de 1 500 en Hongrie. Depuis le mois de mai, le gouvernement inonde le pays d'affiches géantes : «Le saviez-vous ? Depuis la crise migratoire, les violences contre les femmes ont beaucoup augmenté», ou «les attentats de Paris ont été commis par des migrants».