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Décryptage

Clinton dépassée par Trump ? La bonne blague

Le candidat républicain arrive en tête d'un sondage. Ce qui veut surtout dire que son adversaire démocrate domine tous les autres. Et les sondages nationaux ne collent pas au mode de scrutin américain.

Donald Trump lors d'un meeting en Carolie du Nord, en juin. (Photo Jonathan Drake. Reuters)
Publié le 08/09/2016 à 12h15

Alors comme ça, Donald Trump serait devenu le favori de la présidentielle américaine ? Un simple sondage donnant très légèrement le candidat républicain devant Hillary Clinton et c'est une bonne partie de la presse, des deux côtés de l'Atlantique, qui joue à se faire peur. En réalité, la Maison Blanche a toujours de très grandes chances de rester démocrate à l'issue du scrutin du 8 novembre prochain. Voici pourquoi :

• D'abord parce qu'il s'agit d'un sondage. Donc, par définition, il faut s'en méfier : entre la fiabilité relative de l'exercice, les échantillons (nombre de personnes interrogées) limités utilisés et les marges d'erreur, les faiblesses de l'exercice sont légion. On vous avait expliqué tout ça à l'occasion des régionales en France, en décembre dernier, mais c'est la même confiture pour un scrutin présidentiel américain.

• Ensuite, parce qu'il s'agit d'un seul sondage. En négatif : Hillary Clinton est en tête de tous les autres. Alors on peut choisir de s'exciter sur une seule étude, ou constater avec le site américain RealClearPolitics que la candidate démocrate bat le candidat républicain dans près de 9 sondages sur 10 depuis le début de l'année. On peut aussi remarquer que ce sondage favorable à Trump présentait un échantillon très faible, et que toutes les études interrogeant à l'inverse des échantillons très larges (donc a priori plus fiables) donnaient Clinton assez largement en tête.

• Ensuite parce qu'il s'agit d'un sondage sur les intentions de vote à l'échelle de l'ensemble des Etats-Unis. Ce qui peut avoir un intérêt pour mesurer une tendance, mais ne nous aide en rien pour le 8 novembre. Contrairement à la présidentielle en France, où le scrutin est nominal et direct, l'élection présidentielle américaine est indirecte. Il y a en fait autant de scrutins que d'Etats. Exemple : les habitants de l'Alabama votent Clinton ou Trump (ou les quelques autres candidats éventuels). Celui qui arrive en tête remporte l'Etat, et les grands électeurs qui vont avec (9 dans le cas de l'Alabama). En tout, il y a 538 grands électeurs : il en faut donc 270 (la moitié +1) pour être élu président des Etats-Unis. La conséquence directe de ce système électoral, c'est que l'on peut remporter l'élection en ayant moins de voix à l'échelle du pays que son adversaire : c'est ce qui est arrivé à Bush Jr contre à Al Gore en 2000. Donc, être en tête d'un sondage sur les intentions de vote nationales, la belle affaire.

• Enfin, parce que si l'on veut bien croire que les sondages peuvent prédire quoi que ce soit pour ce duel Clinton-Trump, c'est donc vers les études Etat par Etat qu'il faut se tourner, et sur des tendances longues, regroupant tous les instituts de sondage, plutôt que de se focaliser sur un seul test. Un travail que s'efforce de faire le New York Times et qui est sans appel : pour le quotidien, la candidate démocrate a toujours 83% de chances d'être la prochaine locataire de la Maison blanche. Selon les études pré-électorales, les Etats qu'elle est à peu près sûre de remporter lui assureraient 238 grands électeurs, contre seulement 117 pour Donald Trump. Il ne manquerait donc plus que 32 grands électeurs pour plier l'affaire : sachant que la Floride, «swing state» (Etat bascule, dont la «couleur» le 8 novembre est incertaine) qui semble pencher de son côté, en apporte déjà 29… on mesure le difficile chemin de Donald Trump jusqu'à Washington D.C.

• Alors, évidemment, Trump peut toujours remporter l'élection présidentielle du 8 novembre : il reste deux mois de campagne et l'issue d'une élection n'appartient qu'aux électeurs. Mais, en rien, ce sondage n'en aura été une prophétie crédible.