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Libération
Interview

Yannis Mouzalas : «Il faut un mécanisme européen de retour»

Pour le ministre grec de l’Immigration, l’Union européenne doit garantir le respect des engagements de ses Etats en matière de «relocalisation» de réfugiés.
Yannis Mouzalas (à droite) et Bernard Cazeneuve lors d'une visite à Lesbos, en février. (Photo Giorgos Moutafis. Reuters)
par Fabien Perrier, correspondant à Athènes
publié le 11 septembre 2016 à 19h21

Yannis Mouzalas doit rencontrer ce lundi Bernard Cazeneuve, à Paris. Il demandera au ministre français de l’Intérieur son soutien sur la question des «relocalisations» des réfugiés au sein de l’UE et des aides financières à la Grèce avant le sommet européen de vendredi en Slovaquie.

Environ 59 000 migrants sont en Grèce. Le soutien de vos partenaires est-il suffisant ?

La situation est très difficile. Nous avons besoin de plus d’aide financière, de soutien technique et d’experts des services du Bureau européen d’appui en matière d’asile. L’UE nous a promis 400 experts, nous n’en comptons que 19 ! Il ne s’agit pas seulement d’apporter des couvertures pour les réfugiés ou de verser de l’argent. L’UE doit élaborer des solutions communes. Des relocalisations, c’est-à-dire la répartition des réfugiés entre les différents Etats-membres, ont été promises. Elles doivent être respectées.

Votre homologue allemand, Thomas de Maizière, veut renvoyer des migrants en Grèce. Comment réagissez-vous ?

Avec étonnement ! Thomas de Maizières, d’habitude ami de la Grèce, se trompe de cible ! En Grèce, lors de la fermeture des frontières, plus de 59 000 migrants et réfugiés se sont retrouvés piégés en trois semaines, ce qui à l’échelle de la France, par exemple, aurait été l’équivalent de 520 000 migrants. Les accords de Dublin sont en cours de renégociation et jusqu’en décembre, aucun retour en Grèce n’est possible. C’est une décision européenne que de mener à bien plus de 30 000 relocalisations en 2016. Seules 3 500 ont été réalisées et 7 000 sont prêtes, mais ne peuvent aboutir faute de places dans les Etats-membres. Et nous gérons aussi les retours vers la Turquie tout comme les renvois dans le pays d’origine. Ce n’est pas une tâche facile pour un pays de la taille de la Grèce. C’est pourquoi nous proposons la création d’un mécanisme européen de renvoi permettant d’accélérer les procédures de renvoi, notamment avec les pays d’Asie centrale (Afghanistan, Pakistan…).

Que pensez-vous des propositions de la Commission européenne sur la réforme des accords de Dublin ?

Que ce soit Dublin I, Dublin II ou III, ces accords ont échoué dès que la réalité migratoire a changé. Il faut donc un accord fonctionnel. En théorie, ces propositions comportent des éléments positifs. Dans la pratique, ils ne permettront pas d’affronter des nouvelles crises. Par exemple, la notion de partage des demandeurs d’asile entre Etats-membres et pays de première entrée paraît bonne. Cependant, l’enregistrement et la demande d’asile seraient effectués dans le pays de première entrée et le «partage» n’interviendrait que si les flux dépassent 150 % des capacités de ce pays. Mais que signifie cette notion de capacité ? De quelle formule mathématique découle ce taux ? Pour nous, un autre problème majeur est la proposition de la Commission qui ferait de la Grèce le pays éternellement responsable des demandeurs d’asile arrivés sur son sol. Elle devrait gérer à elle seule l’instruction des dossiers et leur renvoi éventuel dans le pays d’origine. Autre paradoxe : l’Espagne peut faire des renvois au Maroc, l’Allemagne en Afghanistan… Mais pas l’UE ? Il faut un mécanisme européen de retour.

Vous craignez une Europe à deux vitesses avec un centre choisissant ses immigrés et une périphérie qui accepte les autres.

Oui. Mais cette crainte n’est pas liée à la France ou à l’Allemagne. Avec ces pays nos divergences sont aisément surmontables. Mais d’autres pays refusent de répondre en commun aux défis migratoires…

Allez-vous établir un front des pays du Sud de la Méditerranée ?

La rencontre des dirigeants du Sud, le 9 septembre, à Athènes, a été une première étape importante. Elle a permis d’établir des orientations communes en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous voulons aussi trouver des solutions à la crise des réfugiés, mais pas en imposant des droits différents au sein de l’UE. Nous voulons travailler avec les institutions, dans un esprit de solidarité.