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Libération
Décryptage

Hillary Clinton va-t-elle s’en remettre ?

Plus que les inquiétudes sur son état de santé après l’annonce de sa pneumonie, c’est le manque de transparence de Hillary Clinton qui pourrait affecter sa campagne.
Hillary Clinton, le 9 septembre, à New York. (Photo Justin Sullivan. Getty. AFP)
publié le 12 septembre 2016 à 20h31
(mis à jour le 12 septembre 2016 à 20h36)

Le malaise de Hillary Clinton, lors des commémorations du 11 Septembre à New York, a relancé les rumeurs sur son état de santé. Le manque de communication de son équipe n'a rien arrangé. Pour expliquer son étourdissement, un «coup de chaud» a d'abord été évoqué. Après être sortie de chez sa fille Chelsea où elle s'était réfugiée pour récupérer, la candidate persiste : «Je me sens très bien. C'est un beau jour à New York.»

Ce n’est qu’en fin de journée que son équipe déclare que Hillary est atteinte d’une pneumonie, une maladie qui avait pourtant été diagnostiquée dès le vendredi. La candidate a annulé ses déplacements, prévus lundi et mardi en Californie. Son mari, Bill Clinton, pourrait prendre le relais pendant sa convalescence.

Quel impact pour la campagne ?

Cette erreur de communication pourrait lui coûter cher. «Le message qui ressort de cet épisode est le rapport ambigu que Clinton et son équipe entretiennent avec la vérité, explique Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Trump va pouvoir utiliser cet épisode pour montrer qu'on ne peut pas lui faire confiance.» Sur son compte Twitter, le milliardaire la surnomme régulièrement «crooked Hillary» («Hillary malhonnête»). Le manque de communication de cette dernière sur son état de santé et ses multiples démentis accréditent de plus en plus les théories de Trump.

«Hillary est souvent critiquée pour son manque de transparence. Il va falloir qu'elle communique un maximum d'éléments sur son état de santé», estime Amy Greene, enseignante et chercheuse américaine à Sciences-Po Paris. Le 26 septembre sera une date clé pour Clinton. Le premier débat télévisé entre les deux candidats aura lieu à l'université Hofstra, à Hempstead, dans l'Etat de New York. «Clinton n'aura pas le droit à l'erreur, explique la politologue franco-américaine Nicole Bacharan. Elle devra rebondir sur ses points forts comme la politique étrangère et son expérience en tant que secrétaire d'Etat.»

Que peut-il se passer si elle est hors de course ?

Comme le prévoient les statuts juridiques du parti démocrate, si le candidat officiel doit abandonner la campagne, les hautes instances du parti désignent un nouveau candidat. Pas besoin donc de nouvelles primaires.

Si les regards se tournent naturellement vers Tim Kaine, le colistier de Hillary Clinton n’est pas assez connu du grand public. Bernie Sanders, l’adversaire de Clinton pendant les primaires, a perdu et ne serait donc pas automatiquement désigné candidat.

«Son nom pourrait être considéré mais il est trop à gauche pour l'establishement du parti, assure Laurence Nardon, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Le Conseil démocrate se tournerait plus sûrement vers des personnalités populaires, comme John Kerry, le secrétaire d'Etat d'Obama, ou Joe Biden son vice-président.»

Mais les deux hommes ont indiqué, il y a quelques mois, ne pas vouloir se présenter à la présidence, à cause de leur âge - John Kerry a 72 ans et Joe Biden 73 ans - et pour des raisons personnelles. «Ils pourraient tout de même revenir sur cette décision sous la pression du parti démocrate», ajoute la chercheuse.

Une pneumonie à 68 ans, est-ce grave ?

Les informations sur la gravité de l'état de santé de Hillary Clinton restent floues. «Si elle est d'origine bactérienne, la pneumonie est une maladie aiguë, tranche Jean-Philippe Derenne, ancien chef du service de pneumologie de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière. Hillary Clinton toussait depuis quatre jours, et elle aurait fait ensuite un malaise au soleil. C'est un peu bizarre. Si elle est atteinte d'une pneumonie virale, ce n'est pas bien méchant et il n'y a rien à faire. Mais si c'est une pneumonie d'origine bactérienne, cela peut être grave et brutal. En tout cas, elle doit être prise en charge rapidement, car cela peut être mortel.» Dans les jours à venir, Hillary Clinton va donc être amenée à jouer la carte de l'hypertransparence sur son réel état de santé. Les électeurs ne pourraient peut-être pas supporter de nouvelles imprécisions, voire des mensonges.

La santé, élément clé dans la politique américaine ?

«Aux Etats-Unis, traditionnellement, chaque candidat à la présidentielle publie ses bilans médicaux avec ses avis d'imposition. Ces deux éléments rassurent les électeurs», explique Amy Greene. John McCain, le candidat républicain à la présidentielle de 2008 avait publié plus de 1 000 pages sur son suivi médical, après le cancer auquel il a survécu. Alors âgé de 72 ans, le candidat devait garantir son bon état de santé. «Les préoccupations sur l'état de santé du président ont émergé à partir de Richard Nixon [1969-1974, ndlr]», décrit l'historien Romain Huret, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Au début du siècle, Franklin D. Roosevelt, atteint de la polio, a été réélu quatre fois alors qu'il se déplaçait en fauteuil roulant. John F. Kennedy a souffert le martyre de problèmes digestifs et de dos. Reagan était, lui, atteint d'Alzheimer à la fin de son dernier mandat. Pourtant, leur maladie n'a jamais été affichée publiquement.

Cette année, la question de l'état de santé des candidats se pose du fait de leur âge. Hillary Clinton a 68 ans et, à 70 ans, Donald Trump serait le plus vieux président des Etats-Unis à être élu. «Dans l'histoire moderne, la fonction présidentielle est assimilée à un puissant courage mental, poursuit l'historien. Hillary Clinton a elle-même décrit la fonction présidentielle comme la capacité à répondre aux appels téléphoniques à 3 heures du matin.» Les électeurs attendent donc d'être rassurés sur la capacité des candidats à supporter la fonction présidentielle pendant tout leur mandat.

Comment les candidats évoquent-ils la santé ?

Hillary Clinton a fait preuve de plus de transparence sur son état de santé que son rival Donald Trump. En juillet, son médecin, Lisa Bardack, publiait une lettre où elle livrait le bilan de santé de la candidate. On y apprend, entre autres, que la candidate a subi deux thromboses, en 1998 et 2009, ainsi qu'une commotion cérébrale suivie d'un caillot à la tête en 2012, après une chute causée par une déshydratation. «Hillary Clinton est dans une excellente condition physique et est apte à servir en tant que présidente des Etats-Unis», conclut, positive, sa médecin. Le 16 août, cette dernière indique de nouveau que Hillary Clinton est en bonne santé.

De son côté, Donald Trump a publié, le 14 décembre 2015, un bilan de santé controversé. Son médecin, Harold Bornstein, avait conclu que s'il était élu, Donald Trump serait «l'individu le plus sain jamais élu à la présidence», avant d'avouer à NBC News n'avoir passé que cinq minutes à écrire ce document de quatre paragraphes. Sans doute pour se rattraper, Donald Trump devrait participer, jeudi, avec sa fille Ivanka, à l'émission The Dr. Oz Show, où il révélera «son régime de santé personnel», et il a promis de publier prochainement un bulletin médical.