Pour expliquer son malaise, lors des commémorations du 11 Septembre à New York, son équipe de campagne a d'abord évoqué un «coup de chaud». Après être sortie de l'appartement de sa fille Chelsea, où elle s'était réfugiée pour récupérer, la candidate démocrate persiste : «Je me sens très bien. C'est un beau jour à New York», déclare-t-elle en prenant des photos avec une petite fille.
Ce n'est qu'en fin de journée que son équipe déclare qu'Hillary est atteinte d'une pneumonie, une maladie qui avait pourtant été diagnostiquée dès le vendredi. La candidate a dû prendre deux jours de repos dans sa campagne et a annulé ses déplacements prévus lundi et mardi en Californie pour lever des fonds. Son mari, Bill Clinton, pourrait prendre le relais pendant sa convalescence.
Quel impact pour la campagne d’Hillary Clinton moins de deux mois avant les élections ?
Cette erreur de communication pourrait lui coûter cher. «Le message qui ressort de cet épisode est cette question du rapport que Clinton et son équipe entretiennent avec la vérité, explique Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l'Iris et spécialiste des Etats-Unis. Trump va pouvoir utiliser cet épisode pour montrer que c'est quelqu'un à qui on ne peut pas faire confiance.» Sur son compte Twitter, le candidat républicain la surnomme déjà régulièrement «crooked Hillary» (Hillary la malhonnête).
«Je pense que les deux candidats, Hillary la malhonnête et moi-même, devraient publier un bilan médical détaillé. Je n’ai aucun problème à le faire. Hillary ?» Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 28 août 2016
Le manque de communication de la candidate démocrate sur son état de santé, et ses multiples démentis sur une possible maladie, donne de la crédibilité aux théories de Trump. «Hillary est souvent critiquée pour son manque de transparence. Il va falloir qu'elle communique un maximum d'éléments sur son état de santé, pour affronter ces critiques», explique Amy Greene, enseignante et chercheuse américaine à Sciences-Po Paris.
Une pneumonie à 68 ans, est-ce grave ?
Les représentants de la candidate démocrate ont, pour l'instant, donné des informations peu précises sur la gravité de son état de santé. «Si elle est d'origine bactérienne, la pneumonie est une maladie aiguë, tranche Jean-Philippe Derenne, professeur honoraire, qui a dirigé pendant quinze ans le service pneumologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Hillary Clinton toussait depuis quatre jours, et elle aurait fait ensuite un malaise au soleil. C'est un peu bizarre. Car si elle est atteinte d'une pneumonie virale, ce n'est pas bien méchant et il n'y a rien à faire, mais si c'est une pneumonie d'origine bactérienne, cela peut être grave et brutal. En tout cas, elle doit être prise en charge rapidement, car cela peut être mortel.» Dans les jours à venir, Hillary Clinton va donc être amenée à jouer la carte de l'hypertransparence sur son réel état de santé. Les électeurs ne pourraient peut-être pas supporter de nouvelles imprécisions, voire des mensonges.
Que se passe-t-il si Hillary Clinton est hors de course ?
Les statuts juridiques du Parti démocrate ont prévu une telle éventualité. Si le candidat désigné lors des primaires doit abandonner la campagne présidentielle, les hautes instances du parti en désigneront un nouveau. Pas besoin donc de nouvelles primaires. Si les regards se tournent naturellement vers Tim Kaine, le colistier d'Hillary n'est pas une personnalité connue du public. Il serait donc risqué de démarrer une campagne de zéro avec lui.
Alire aussi: Hillary Clinton bien partie, sauf si…
Bernie Sanders, son adversaire pendant les primaires, a officiellement perdu et ne serait pas automatiquement désigné remplaçant. «Il pourrait tout de même être considéré mais est trop à gauche pour l'establishement du parti, assure Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du Nord à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Le Conseil se tournerait plus sûrement vers des personnalités mainstream et populaires, comme John Kerry, l'actuel secrétaire d'Etat d'Obama, ou Joe Biden, son vice-président.» Les deux hommes ont indiqué, il y a quelques mois, ne pas vouloir se présenter à la présidence, à cause de leur âge – John Kerry a 72 ans et Joe Biden 73 ans – et pour des raisons personnelles. «Ils pourraient tout de même revenir sur cette décision sous la pression du Parti démocrate», ajoute la chercheuse.
Cette éventualité n'est pas encore d'actualité. Le médecin de la candidate ne lui a préconisé que quelques jours de repos. Hillary devra récupérer rapidement. Le 26 septembre, le premier débat entre les deux candidats aura lieu à l'université Hofstra, à Hempstead, dans l'Etat de New York. Clinton n'aura pas le droit à l'erreur. «Elle devra rebondir sur ses points forts, comme la politique étrangère et son expérience en tant que secrétaire d'Etat sous Obama», explique la politologue franco-américaine Nicole Bacharan.