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En Allemagne, arrestation de trois Syriens soupçonnés de liens avec le 13 Novembre

Les faits collent aux convictions des enquêteurs français, persuadés que des terroristes qui devaient frapper en France, sont toujours dans la nature.
Des fleurs le 15 novembre 2015 devant «la belle Equipe» à Paris en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 13 septembre 2016 à 16h35

Les forces de sécurité allemandes ont arrêté mardi trois Syriens, arrivés l'automne dernier dans le pays avec le flot des réfugiés, et soupçonnés d'avoir eu des liens avec les auteurs des attentats du 13 novembre à Paris, selon le ministre allemand de l'Intérieur. Les trois hommes – Mahir Al-H, 27 ans, Mohamed A., 26 ans et Ibrahim M., 18 ans — «se sont rendus en Allemagne depuis la Turquie via l'île de Leros en Grèce. Ils ont été acheminés par la même filière que les terroristes de Paris, a précisé Thomas de Maizière, ministre de l'Intérieur CDU. Leurs faux passeports proviennent du même "atelier" syrien.» Les trois suspects ont été conduits vers Karlsruhe, au centre du pays, pour y être présentés au procureur de la cour fédérale de Justice qui doit décider de leur mise en examen. Ils sont soupçonnés d'appartenir à une cellule dormante «s'apprêtant à accomplir une mission, ou attendant l'ordre d'agir», selon le procureur de Karlsruhe, qui a décidé de les poursuivre pour appartenance à une «organisation terroriste étrangère».

200 policiers et membres des forces antiterroristes ont procédé tôt mardi matin à des perquisitions dans cinq bâtiments de la banlieue de Hambourg et à proximité de Lübeck. Ils ont confisqué matériel informatique, documents et téléphones portables. Les suspects ont été interpellés dans trois foyers pour réfugiés de la région.

Selon les enquêteurs, le jeune homme de 18 ans aurait rejoint les rangs de l'Etat islamique voici un an, à Raqqa. Il y aurait été familiarisé avec le maniement des armes et des explosifs avant de se mettre en route pour la Turquie avec ses deux complices en octobre. Avant leur départ, les trois suspects se seraient «engagés à voyager ensemble vers l'Europe envers le fonctionnaire de l'EI chargé des opérations et des actes de terrorisme en dehors du territoire de l'EI» selon le procureur allemand. Equipés de faux passeports, de fortes sommes d'argent (plusieurs dizaines de milliers de dollars) et de téléphones portables, ils auraient rejoint la République fédérale mi-novembre.

Selon le quotidien conservateur die Welt, les enquêteurs allemands seraient sur les traces du groupe depuis plusieurs mois, alertés par un tuyau des services de renseignements. L'ordre de les arrêter a été donné «pour éviter» tout danger pour la population, selon Thomas de Maizière. Un cas similaire s'était déjà produit en juin en Allemagne. Le procureur fédéral avait fait arrêter plusieurs Syriens accusés d'avoir préparé à Düsseldorf un attentat commandité par l'Etat Islamique. Selon die Welt, les enquêteurs travaillent actuellement sur le dossier de 400 réfugiés, sur lesquels pèsent des soupçons de terrorisme. La plupart seraient de fausses alertes. 60 personnes ont été placées sous contrôle judiciaire.

13 novembre: les investigations toujours en cours

Côté français, policiers et magistrats antiterroristes n'ont jamais caché que les investigations liées aux opérations du 13 novembre étaient loin d'être terminées. Peu de temps avant d'être tué dans l'assaut de Saint-Denis, Abdelhamid Abaaoud, le chef des tueries de l'automne, avait lui-même déclaré à sa cousine Hasna Aït Boulahcen, ainsi qu'à son ami Sonia, qu'il «était entré [en Europe, ndlr] avec 90 terroristes». Probablement un peu flambeur, le Belgo-Marocain avait précisé qu'ils se trouvaient tous «en Ile-de-France». Cette hypothèse semble peu probable aux yeux des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). En revanche, ils confirment que d'autres éléments envoyés par l'EI avaient bien vocation à passer à l'acte le 13 novembre mais, qu'ayant raté le train, ils se dissimulent pour mieux resurgir.

L'exemple le plus emblématique est celui d'Adel Haddadi, un Algérien de 29 ans, et de Muhamad Usman, un Pakistanais de 22 ans. Les deux hommes ont été interpellés le 10 décembre 2015 à Salzbourg (Autriche). Ils étaient missionnés par un certain Abu Ahmad - dont l'identité officielle n'est pas encore formellement établie - et sont partis de Raqqa en même temps que les deux kamikazes irakiens du stade de France. L'échec de ce qui ressemblait alors à un quatrième commando ne tient qu'à leur arrestation, le 3 octobre, par la police grecque sur l'île de Leros, intriguée par leurs faux passeports. Libérés trois semaines plus tard, le 28, Haddadi et Usman reprennent leur route. Pour se faire oublier, ils sollicitent l'asile en Autriche et s'établissent dans un centre d'accueil. Finalement démasqués et arrêtés, ils sont placés en détention provisoire mi-décembre. Interrogé par les policiers autrichiens le 12 février dernier, Adel Haddadi avait fait cet aveu terrifiant : «Ils m'ont dit que je devais aller en France pour y accomplir une mission, et que je recevrais des instructions là-bas.»