Lorenzo Meloni, 33 ans, est photographe à l'agence Magnum. Il a effectué plusieurs séjours en Libye depuis la révolution, en 2011, dont deux cet été, qu'il raconte pour Libération.
«Au fil des ans, la sécurité dans le pays ne s’est pas améliorée. Les gens réalisent qu’après la dictature de Kadhafi, la liberté a un prix élevé. A Syrte, les combats sont très durs. Il y a énormément de tués et de blessés. Dans les guerres, ceux qui attaquent ont toujours plus de pertes que ceux qui défendent. Les combattants des brigades de Misrata font de leur mieux, mais ce ne sont pas des professionnels. Ils ont l’expérience de la révolution, mais n’ont jamais reçu d’entraînement militaire. Il y a des pièges explosifs partout, et des attaques à la voiture piégée. Pour les non-combattants, les ambulances, les photographes, la ville est beaucoup plus dangereuse.
«Il n’y a pas de retraite possible à Syrte. Ni de reddition. Je n’ai jamais vu de prisonnier. Personne ne veut s’approcher d’un jihadiste car il y a toutes les chances qu’il porte une ceinture explosive. J’ai travaillé au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban, à Gaza… La façon de se battre est similaire, mais chaque ville est différente. A Syrte, il n’y a pas de civils. Les soldats ne sont pas originaires de la ville, ils viennent juste pour combattre. Ils ne connaissent pas les quartiers, les rues, ils n’ont pas de connexion avec Syrte, c’est pour eux un corps étranger. Certains sont venus en 2011, c’était déjà pour se battre. Dans la banlieue, quelques civils commencent à revenir. Dans le centre-ville, il n’y a personne. En 2011, c’était déjà détruit. Aujourd’hui, c’est encore pire. On a parfois du mal à distinguer ce qui est de la destruction récente ou de la ruine de 2011. Les jihadistes ont laissé derrière eux des prisons, des ateliers, des mosquées… Il y a tous les vestiges d’une société disparue.»