Le grand soir féministe n'est pas pour demain au Japon. Mais l'élection, jeudi, d'une femme à la tête du Parti démocrate n'est pas non plus qu'une simple anecdote dans un archipel où, si les «femmes brillent» - selon l'expression fétiche du Premier ministre, Shinzo Abe - c'est souvent par leur absence dans les sphères politiques et économiques.
Renho Murata, une sénatrice de 48 ans d’origine taïwanaise, sera la première élue à diriger la principale force d’opposition du pays. Sa désignation, avec près de 60 % des voix devant deux hommes, intervient après l’élection, en juillet, de Yuriko Koike, première gouverneure de la métropole de Tokyo. Début août, c’était au tour de Tomomi Inada d’être nommée au mâle ministère de la Défense, succédant à la pionnière Koike.
L'arrivée de femmes à ces postes à haute responsabilité constitue une petite avancée. «Le Japon est en train de doucement changer, note Mana Shimaoka, membre du parti féministe Obachan. Le gouvernement a promu une loi pour que 30 % des postes de dirigeants soient occupés par des femmes d'ici à 2020, et c'est finalement très utile pour les grandes entreprises et les grandes administrations.»
Professeure de sciences politiques à l'université Sophia de Tokyo, Mari Miura reconnaît qu'«Abe a changé l'atmosphère. Maintenant, l'emploi des femmes est abordé comme une question économique, et pas seulement sociale. Il est bon que ce sujet soit débattu, mais je doute que le statut des femmes s'améliore grandement. Très minoritaires en politique, les élues sont traitées comme des jetons. Elles ont tendance à manquer de solidarité féminine.»
Lors de sa campagne pour la présidence du Parti démocrate, Renho Murata a porté ces combats. Cette ancienne mannequin et présentatrice télé s’est notamment fait connaître en 2009 quand la sénatrice a questionné des bureaucrates sur des gaspillages dans les comptes publics. Aujourd’hui, Murata appelle à investir dans l’éducation et les services à la personne. Mais avant cela, la nouvelle présidente du parti de centre gauche aura beaucoup à faire pour revitaliser un Parti démocrate sans boussole idéologique et sans programme clair face au rouleau compresseur de Abe.