Fichues normes qui protègent la planète et la santé ! Le site de campagne de Donald Trump a annoncé jeudi que le candidat républicain souhaitait «éliminer les réglementations spécifiques» concernant l'environnement mais aussi la sécurité alimentaire. Ce package anti-écolo fait partie du plan général de Trump pour « la croissance débridée de l'économie ».
Mais Trump a peut-être franchi une ligne jaune en contestant un sujet qui concerne directement la santé du consommateur : les normes d'hygiène alimentaire. Un point tellement délicat pour l'opinion que le texte publié jeudi a été retiré dans la foulée. La nouvelle mouture parle toujours de supprimer des normes (plus exactement d'imposer un «cadre moderne de régulation»), mais il n'est plus question de toucher à la nourriture.
Le pillonage mal assumé est en réalité cohérent avec la logique de Trump. D'après le site thehill.com, qui diffuse le document dans sa version originale, le milliardaire veut en finir avec «les lois sur l'alimentation de la FDA, qui dictent comment le gouvernement fédéral entend que les agriculteurs produisent des fruits et des légumes, et qui dictent même la composition de la nourriture pour chien». Or l'action de la FDA, la Food and drug administration, est plutôt appréciée par la population aux Etats-Unis, un pays accro à l'hygiénisme où certains vont jusqu'à désinfecter leurs légumes à la javel.
Caviar périmé
Les lois que dénonce Trump ont été votées par le parlement américain en 2010, dans un contexte d’intoxications alimentaires accrues. Cette année-là, 9 personnes étaient mortes et 700 autres tombées malades à travers tout le pays, après avoir ingéré des cacahuètes de Georgie, qui renfermaient des salmonelles. Plus largement, l'administration enregistre 48 millions d'intoxications annuelles causées par la nourriture.
Depuis l'adoption de cette réglementation renforcée, la FDA a épinglé de nombreux restaurants pour leurs manquements à l'hygiène, dont les établissements d'un certain… Donald Trump. Les inspecteurs de l'agence américaine ont ainsi relevé 51 manquements à la législation dans le steak-house Trump de Las Vegas en 2012, en particulier une ration de caviar périmée depuis un mois. Trois ans plus tard, c'est le Trump Café de New York qui fait le délice des enquêteurs : 45 violations aux règles d'hygiène sont constatées. Le magnat américain cherche-t-il seulement à régler ses comptes ? Il y aurait bien d'autres motifs de brocarder les normes sanitaires de la FDA. Lors de l'adoption du texte par le parlement, des écolos craignaient que les exigences trop strictes nuisent aux petits paysans et aux producteurs bio.
Fibre ultralibérale
Mais le candidat républicain à la Maison Blanche n'est pas très passionné par la question verte, bien au contraire. S'il a mis de côté, pour l'instant, son offensive contre les règles sanitaires, il maintient sa critique des normes environnementales. Haro sur le Clean Power Plan, qui menace selon lui de «faire fermer la plupart, sinon la totalité, des centrales électriques fonctionnant au charbon». En cassant ce programme de conversion aux énergies propres, Trump affirme que l'Etat américain économisera 7,2 milliards de dollars (soit 6,4 milliards d'euros). Le site écolo Grist.org conteste ces conclusions et soutient que le Clean Power Plan permettrait d'épargner 34 à 54 milliards annuels (30 à 48 milliards d'euros) en évitant 3 600 décès prématurés, 90 000 cas d'asthme et 300 000 journées d'absence chaque année en milieu scolaire et professionnel.
Même tir au mortier sur la limitation des gaz à effet de serre. Trump prétend que l’abolition des normes déboucherait sur 1,4 milliard d’économies (1,2 milliard d’euros). L’agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA), citée par Grist.org, affirme au contraire que la réglementation actuelle permettrait de dégager jusqu’à 5,9 milliards (en euros : 5,2 milliards).
C'est donc la bonne vieille fibre ultralibérale qu'utilise Donald Trump dans la dernière ligne droite de l'élection. Déjà connu pour son soutien aux énergies fossiles et à la fracturation hydraulique pour l'extraction du gaz de schiste, le richissime candidat entend défaire tout ce qui de près ou de loin ressemble à une norme contraignante pour l'industrie. A la clé, il se livre à un chantage à l'emploi. A l'en croire, son plan d'économie, dont la fin des «normes spécifique » constitue un volet, permettrait de créer 25 millions de jobs en dix ans.