Nigel Farage a-t-il vraiment opéré un ultime «Farexit» (Farage-Exit)? A-t-il vraiment quitté la scène politique britannique? Officiellement, il est «out». Il n'est plus le dirigeant du parti europhobe du Ukip (United Kingdom Independence Party) depuis l'élection ce vendredi à sa succession de l'eurodéputée Diane James, très peu connue du grand public. Après avoir «tout donné au UKIP», après avoir «changé le cours de l'histoire britannique» – son parti a fait une campagne tonitruante pour le Brexit, la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne –, après s'être «débarrassé d'un Premier ministre» et «avoir récupéré son pays», Nigel Farage est décidé à «reprendre le contrôle» de sa vie.
Déjà deux démissions
Il a fait ses adieux devant des militants en délire réunis à Bournemouth (sud-ouest de l'Angleterre). Pourtant, certains parient déjà sur un retour prochain sur le devant de la scène. Après tout, au cours des dix dernières années, il a déjà démissionné à deux reprises de la direction du parti, avant de revenir très vite aux commandes. D'ailleurs, il a prévenu: il reste disponible. Il affirme n'avoir pas l'intention «de se mêler ou d'interférer» dans les décisions de la nouvelle dirigeante, mais a rappelé que si le leader «souhaitait de l'aide ou un conseil, aucune hésitation, je reste fermement planté derrière ce parti et ses objectifs».
Voilà qui pourrait rendre la tâche de Diane James franchement compliquée. A 56 ans, cette ancienne sympathisante du parti conservateur est membre du Ukip depuis 2007. Elle y a lentement gravi les échelons et a réussi l’exploit de ne pas se brouiller avec Nigel Farage au cours des années – une exception dans l’entourage du bouillant eurosceptique.
Moins virulente que Farage, plutôt à l’aise devant les caméras, elle se fait remarquer en 2013 en arrivant deuxième lors d’une élection partielle, à juste 2 000 voix du vainqueur, le candidat libéral-démocrate. Pour la première fois, le Ukip frôle alors l’entrée au Parlement de Westminster. Le système électoral en place, qui favorise le bipartisme, exclut de fait les petits partis et notamment le Ukip du Parlement, alors que la masse de ses électeurs n’a cessé de croître au cours des dernières années.
Sept échecs au parlement
Nigel Farage a bien tenté de se faire élire député à sept reprises et a échoué à chaque fois. Il est en revanche député européen depuis 1999. Et c’est au Parlement européen que Diane James l’a finalement rejoint en 2015 en remportant son siège d’eurodéputée pour le sud-est de l’Angleterre. Sa tâche s’annonce ardue: comment permettre au Ukip de rester une force politique qui compte, alors que c’est le parti conservateur qui se retrouve, de fait, aux commandes de l’opération Brexit?
Et comment succéder à Nigel Farage dont la personnalité a incarné, voire se confond avec Ukip depuis sa création en 1993? S'il a atteint l'objectif de sa vie politique, obtenir la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, il laisse derrière lui un parti divisé, peu structuré, où les cadres de qualité sont encore très rares. Mais Diane James, qui s'est dite dans le passé une grande admiratrice du président russe, Vladimir Poutine, se veut optimiste. Dans son discours d'investiture, elle a promis un «nouveau style de leadership».
Elle a aussi mis en garde la Première ministre conservatrice, Theresa May: «Arrêtez de noyer le poisson, de tourner autour du pot, arrêtez la farce et avancez: invoquez l'article 50 ! [qui doit donner le coup d'envoi de la sortie concrète de l'UE, ndlr]». Et pas question de tenter de trouver un accord hybride ou de compromis: sinon, a-t-elle prévenu, «l'armée du peuple» – comme se sont autosurnommés les militants du Ukip – sera «prête à se lever à nouveau» pour défendre la volonté des 17,4 millions de Britanniques qui, le 23 juin, «ont voté pour quitter» l'UE.