Mais qu'est-ce que Taiwan peut bien vouloir cacher sur la petite île de Taiping ? Son ministre de la Défense a en tout cas demandé à Google de flouter les images de nouvelles infrastructures apparues sur cet îlot d'à peine deux kilomètres carrés de l'archipel des Spratleys. Les Spratleys, chapelet de rochers et de hauts-fonds disséminés dans la mer de Chine méridionale, sont l'objet d'un bras de fer diplomatique et stratégique entre les pays de la région.
Taiping, également connue sous le nom d’Itu Aba, la plus grande île des Spratleys, est contrôlée par Taipei, qui y avait inauguré l’an dernier un phare à énergie solaire, une piste d’atterrissage élargie et une jetée. Mais ce qui fait réagir le pays, c’est l’apparition sur les dernières photos satellites d’une forme circulaire construite sur la plage à laquelle sont attachés quatre tétrapodes de béton.
Avant-postes civils et militaires
Le gouvernement taïwanais n'a pas voulu préciser à quoi servent ces nouvelles «installations militaires», parlant «d'information classée», qu'il est «inopportun» de montrer, mais précisant tout de même : «Nous aimerions faire savoir que l'île de Taiping est équipée de capacités de défense très fortes.» On imagine que ce sont plutôt les développements ou utilisations futurs de ces installations, qui pourraient peut-être accueillir de l'artillerie, qui soucient Taiwan, et non ces quelques travaux examinés sous toutes les coutures depuis la requête à Google, ce jeudi.
Depuis deux ans, la Chine en particulier, mais aussi les autres pays côtiers, bétonne à tout-va sur le chapelet d'îlots dispersés sur 400 000 km2, créant des avant-postes civils et militaires sur cet important point de passage du commerce international riche de ressources halieutiques et d'hydrocarbures.
Les tensions ont redoublé dans la région cet été depuis le jugement de la cour arbitrale de La Haye, qui gère les litiges sur le droit de la mer. A la demande des Philippines, les juges de la Haye ont invalidé les prétentions de Pékin qui clame sa souveraineté sur une grande partie de la mer de Chine méridionale, et jugé que tout l'archipel n'était constitué que de récifs et de rochers, et que leur agrandissement artificiel ne pouvait générer de zone économique exclusive. Une décision contestée par la Chine, mais aussi par Taiwan, qui souhaitait faire reconnaître le statut d'île à la grande Taiping et ainsi revendiquer l'exploitation économique des eaux et du sous-sol sur 350 km à la ronde.
Dilemme très politique
En attendant la réponse de l’entreprise californienne, on peut observer du ciel, également sur Google Earth, les impressionnants travaux entrepris par Pékin sur d’autres récifs de l’archipel, comme Fiercy Cross ou Mischief, ou sur l’île de Woody, sur l’archipel des Paracels. Le géant américain d’Internet se trouve malgré lui devant un dilemme très politique. Flouter les installations militaires de Taiwan reviendrait à reconnaître la souveraineté de la république de Chine sur ce caillou, au grand dam de ses voisins. Et n’empêcherait pas les satellites américains, chinois, européens, russes, etc., de continuer à surveiller de près le développement de ces îles.