Shocking news : dans cinquante ans, le «Queen's English» («l'Anglais de la Reine»), l'accent brit considéré comme le plus pur et originel, ne devrait être qu'un lointain souvenir… La faute aux téléphones portables et aux Américains, si l'on en croit les conclusions de Dominic Watt, linguiste de l'Université de York, dans le rapport «Sounds of 2066», relayé par le Guardian. L'auteur prédit, outre la disparition des déjà bien mal en point accents régionaux (le guttural brummie de Birmingham comme le suraigu cockney de l'estuaire londonien), une homogénéisation de l'anglais parlé, forcée par les échanges avec les systèmes de reconnaissance vocale. Watt, qui pronostique au passage la disparition des claviers sur nos téléphones et l'avènement des frigos et machines à laver parlantes, est persuadé que l'anglais utilisé par les intelligences artificielles du type Siri (sur l'Iphone) dénote «une préférence pour une langue informelle, conversationnelle et portée sur la plaisanterie». Une évolution «sans aucun doute» liée aux origines californiennes de cette technologie, «où l'approche [de la langue] est plus relaxée et moins prétentieuse». Bref, les machines américaines tireraient les Anglais vers le bas, les obligeant à utiliser un globish cool pour se faire comprendre.
Disparition du «th»
L'accent, indicateur social ultradéterminant au Royaume-Uni, devrait ainsi devenir davantage un marqueur de génération que de classe. «Le Queen's English parlé par le Prince George à mesure qu'il grandit ne sera pas le même que le Queen's English de la Reine», indique le rapport. Longtemps «obligatoire» pour faire carrière chez les cols blancs, l'armée ou les médias, l'accent dit «standard» perd du terrain dans la société britannique : «Nous avons réalisé, écrit Watt, que la façon de parler n'est pas nécessairement un indicateur infaillible de l'intelligence ou des compétences d'une personne.»
Le rapport note par ailleurs l'influence grandissante du «multicultural London English» et ses inflexions caribéennes, ouest-africaines et indiennes. Lequel devrait amorcer la disparition du fameux «th», transformé selon les cas en «v» («mother» deviendrait «muvver») ou en «f» («fink» pour «think»). Pas forcément une mauvaise nouvelle pour ceux qui n'ont jamais vraiment réussi à coincer leur langue entre les dents en cours d'anglais.