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Référendum

En Colombie, le chemin (bis) vers la paix

Rejeté à une très courte majorité par référendum, l'accord entre les Farc et le pouvoir va devoir être renégocié. Comment ?
Un quotidien colombien annonce les résultats du référendum, le 3 octobre : avant la paix, il faudra de la patience. (Photo Luis Robayo. AFP)
publié le 3 octobre 2016 à 18h24
(mis à jour le 3 octobre 2016 à 23h07)

C'est une petite victoire au milieu de la défaite. Malgré le rejet par référendum de l'accord de paix négocié par le gouvernement avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), plus personne dans le pays ne parle de reprendre le chemin de la guerre. «C'est un consensus qui n'existait pas il y a quelques années», a salué Juanita Leon, directrice du site politique la Silla Vacia. Dimanche soir, peu après l'annonce de la victoire du «non» au texte d'une courte tête, avec 50,2% des voix, l'ex-président de droite dure Alvaro Uribe, tête de file des opposants, souhaitait aux «messieurs des Farc» d'être «protégés» de la violence, après les avoir traités de «narco-terroristes» pendant des années.

Le traité négocié pendant quatre ans à Cuba, et qui prévoyait notamment des peines aménagées pour les commandants et leur entrée presque immédiate en politique, est remis en cause. Mais les années de pourparlers ne seront pas jetées aux orties. Dès dimanche, le président libéral Juan Manuel Santos a maintenu le cessez-le-feu déjà signé avec la guérilla, et «convoqué toutes les forces politiques du pays» à une concertation vers une «paix encore renforcée». Hier, ses négociateurs devaient reprendre le chemin de La Havane pour y «tenir informés» des évolutions les commandants des Farc. «La bataille pour la paix n'est pas perdue», insistait au même moment le commandant rebelle, Timochenko. Mais il refusait toute correction à l'accord déjà conclu, de caractère «inégable et irrévocable».

La revanche de la droite dure ?

La nouvelle manche des discussions se jouera surtout avec le camp d'Alvaro Uribe, minoritaire au Parlement et écarté jusqu'ici des discussions. «C'est le véritable ennemi des Farc, rappelle l'analyste Luis Eduardo Celis. Il représente la droite conservatrice rurale, liée aux escadrons paramilitaires qui combattaient la guérilla. Ils vont enfin négocier directement.» Si discussion il y a enfin, les points d'achoppement devraient tourner autour du sort des guérilleros. La droite dure et une partie des victimes du conflit exigent de voir les responsables des crimes les plus graves purger des peines de prison – au lieu d'une simple «restriction de liberté» – et refusent de les voir entrer au Parlement.

La réforme rurale décidée avec Santos, qui prévoit la redistribution aux paysans de 3 millions d'hectares appartenant à la nation, ou expropriées à des trafiquants, fait également frémir l'agro-industrie et les grands propriétaires et éleveurs. «Une renégociation aux conditions de l'uribisme serait inacceptable pour les Farc», craint déjà l'universitaire Jorge Ivan Cuervo, dans le quotidien El Espectador. L'exigence réciproque de justice et de vérité sur les financements des groupes paramilitaires, qui ont décimé les rangs de la gauche, pourrait servir de monnaie d'échange aux rebelles.

Les discussions concerneront aussi le mode d’entérinement d'un éventuel nouvel accord : via le Parlement, un nouveau référendum, une Assemblée constituante ? Pendant les débats, les troupes des Farc, qui  devaient se rassembler dès aujourd’hui dans une vingtaine de zones sous contrôle de l’Onu, se maintiendraient dans la jungle.