Mardi, Haïti a été en partie dévasté par l’ouragan Matthew, qui se dirige depuis vers la Floride (où Barack Obama a décrété jeudi soir l’état d’urgence fédéral). Au moins 108 morts sont à déplorer dans l’île. L’ONU craint une résurgence du choléra, présent depuis le séisme de 2010. Frédéric Thomas, chercheur en sciences politiques à Louvain-la-Neuve, en Belgique, et spécialiste d’Haïti, décrit la situation institutionnelle critique du pays.
Le pays s’est-il relevé du séisme de 2010 ?
On observe une légère baisse de la pauvreté, mais le pays reste très pauvre, surtout en milieu rural, et la société très inégalitaire. En 2010, ce sont surtout des programmes d’urgence qui ont été mis en place, et non une reconstruction du pays «en mieux», comme cela avait été annoncé. Depuis, beaucoup d’Haïtiens ont quitté les camps d’accueil pour rejoindre les bidonvilles. Le pays reste vulnérable aux catastrophes naturelles.
La forte présence des ONG et de l’ONU a-t-elle permis d’améliorer les conditions de vie ?
Pas réellement car il n’y a pas de coordination entre les acteurs. En Haïti, le problème est qu’il n’y a pas de structures d’Etat qui tiendraient des programmes sociaux sur le long terme. Il y a, au contraire, une déresponsabilisation de l’Etat par ces organisations internationales qui mènent des programmes d’urgence en se substituant aux autorités.
Quel est l’enjeu de la présidentielle qui devait avoir lieu dimanche et a été reportée à cause de l’ouragan ?
Ce deuxième tour est capital car il pourrait signifier une reprise en main des institutions et une distanciation par rapport à la communauté internationale, qui finance à 75% le scrutin. Mais la classe politique, dans son ensemble, reste déconnectée des enjeux sociaux les plus importants.