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Libération
Billet

Quand Theresa May propose la préférence nationale

Après le Brexit, Londres veut que les entreprises dressent des listes de leurs salariés étrangers.
Theresa May, lors du congrès annuel des conservateurs, le 2 octobre 2016. (Photo Adrian Dennis. AFP)
publié le 7 octobre 2016 à 16h09

Le référendum du 23 juin dernier n'était pas «un vote de repli sur nous-même» et un Royaume-Uni post-Brexit sera «plus juste, ouvert sur le monde, tolérant», a affirmé cette semaine la Première ministre britannique Theresa May.

Mais où est la tolérance lorsque sa ministre de l'Intérieur, Amber Ruud, propose d'imposer aux entreprises de dresser des listes de leurs salariés étrangers pour «placer la priorité sur les travailleurs britanniques ?» Où est l'ouverture sur le monde lorsque son ministre de la Santé Jeremy Hunt suggère de renvoyer bientôt chez eux les médecins (et infirmiers et aides soignants) étrangers sans lesquels le service de santé, le NHS, ne pourrait pas fonctionner ? Et veut imposer une amende aux médecins britanniques qui souhaiteraient aller travailler à l'étranger ?

Où est l'équité lorsque son ministre au Commerce international, Liam Fox, se félicite de ce que les citoyens européens résidents au Royaume-Uni, dont la plupart y payent depuis des années leurs impôts, représentent «la meilleure monnaie d'échange» pour les négociations futures du Brexit ?

Theresa May a résolument choisi de marcher sur les plates-bandes d'Ukip, le parti europhobe d'extrême droite désormais trop occupé à s'étriper en interne, y compris à coups de poing. Elle emprunte un discours populiste en vogue, et après tout pourquoi pas, puisqu'un sondage YouGov affirme que 59% des Britanniques approuvent plus ou moins la proposition de dresser des listes d'étrangers ?

Alors que les agressions racistes sont en nette augmentation depuis le référendum, les comparaisons avec Marine Le Pen, voire avec les années 30 et l'idéologie nazie se multiplient dans les médias. La grande ballerine espagnole Tamara Rojo, directrice artistique du English National Ballet, s'est interrogée sur Twitter : «Après 20 ans de contribution à ce grand pays… Combien de temps encore avant qu'on me demande de coudre une étoile sur mes vêtements ?»

Où donc est passé le phare de tolérance, l’exemple d’intégration que représentait le Royaume-Uni ? La voix de l’opposition travailliste, empêtrée elle aussi dans ses disputes internes, accusée d’abriter des voix antisémites, est totalement inaudible.

De plus en plus, le regard du monde, et pas seulement des Européens, se crispe face aux propos, aux mesures annoncées. Theresa May affirme vouloir restaurer la «grandeur» du Royaume-Uni et son rayonnement international. Mais il n’y a rien de grand dans ses récentes déclarations. Ces derniers temps, le Royaume-Uni rétrécit à vue d’œil.