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Libération
Irak

Mossoul, le fief de l’EI ne tient qu’à un fil

La bataille de Mossouldossier
Lancée ce lundi, la réussite de l’assaut contre la ville irakienne contrôlée par l’Etat islamique serait une victoire stratégique décisive.
Les bombardements de la coalition ont déjà commencé contre l'EI à Mossoul, avant l'assaut terrestre. (Photo AHMAD AL-RUBAYE. AFP)
publié le 16 octobre 2016 à 19h21
(mis à jour le 17 octobre 2016 à 7h08)

[Mise à jour à 7 heures : L'opération pour reprendre au groupe Etat islamique (EI) la ville irakienne de Mossoul a commencé, a annoncé ce lundi le Premier ministre irakien Haider al-Abadi à la télévision officielle.]

«Le temps de la victoire». La promesse est inscrite, façon titre de journal, sur des milliers de tracts largués dimanche sur Mossoul par l'armée irakienne. Maintes fois annoncée, l'offensive pour reprendre la ville, la deuxième d'Irak et le fief le plus important de l'Etat islamique, semble cette fois imminente. «Tous les préparatifs pour la bataille en vue de libérer Mossoul ont été achevés. Il est temps que la libération commence», a déclaré samedi le président du gouvernement régional du Kurdistan irakien, Massoud Barzani.

Depuis des semaines, des dizaines de milliers de combattants - forces spéciales et soldats irakiens, peshmergas kurdes, miliciens chiites et sunnites, commandos occidentaux - se pressent autour la ville. Ils sont au nord, à l’est et au sud, parfois à moins de 15 km. Les avions de la coalition internationale enchaînent les raids, bombardent, éliminent des chefs jihadistes et détruisent des fabriques d’explosifs artisanaux. L’heure est à l’assaut terrestre. Une première offensive devait être lancée lundi matin dans les environs de Khazir, à l’est de Mossoul, selon des officiels kurdes. Une fois les villages de la plaine de Ninive repris, le siège de Mossoul pourra débuter.

Aucune chance

La reconquête de la ville constituerait la plus grande victoire contre l'EI depuis la création de l'organisation. Une victoire stratégique, Mossoul, 1,5 million d'habitants, étant la plus importante ville contrôlée par l'organisation. Une victoire symbolique, aussi. C'est depuis le minbar de la grande mosquée de Mossoul qu'Abou Bakr al-Baghdadi, autoproclamé «calife», était apparu aux yeux du monde en juillet 2014. Quelques jours plus tôt, ses hommes s'étaient emparés de la ville. Ils n'avaient pas eu besoin de combattre. Terrorisés, les milliers de soldats et policiers irakiens, gradés en tête, avaient fui, abandonnant armes et uniformes.

Du strict point de vue militaire, l'EI n'a aucune chance à Mossoul. La coalition qui l'attaque est infiniment plus puissante (lire page 4). Les jihadistes sont, eux, affaiblis. Le renseignement américain estime à environ 5 000 le nombre de leurs combattants dans la ville. «Militairement, le niveau de l'EI a largement baissé par rapport à l'été 2014. Ils ont moins de roquettes et de mortiers, et quasiment plus de véhicules blindés. Ils ne peuvent pas tenir en première ligne», explique Arthur Quesnay, chercheur au think tank français Noria Research.

La grande inconnue réside dans leur comportement. Vont-ils se battre férocement, voire envoyer des renforts depuis la Syrie ? Ou se retirer et s'échapper ? «L'EI va bien sûr évacuer ses cadres. Mais quelques centaines d'hommes peuvent suffire à largement ralentir la reconquête de Mossoul, et ce d'autant plus qu'ils ont eu deux ans pour se préparer et qu'ils ont un très bon sens tactique», poursuit Arthur Quesnay. En prévision de l'offensive, des blocs de béton ont été érigés dans les rues, les ponts piégés, des engins explosifs disséminés, des tunnels creusés.

«M» pour «résistance»

Autre inconnue : la réaction de la population. Des tags représentant la lettre «M» pour muqawama, «résistance», sont apparus sur des maisons. «La menace d'un soulèvement est prise très au sérieux par l'EI qui renforce les contrôles. Elle le sera d'autant plus si le siège dure», note Arthur Quesnay. Les habitants qui réussiront à fuir seront livrés à eux-mêmes. L'ONU estime que plus d'un million de personnes pourraient quitter la ville. Quelques camps ont été construits mais la plupart n'ont ni eau ni électricité, et ils sont loin de pouvoir accueillir autant de déplacés. La même impréparation est à l'œuvre sur le plan politique, pour la répartition des pouvoirs après la reprise de Mossoul. «Il n'y a aucun accord politique, explique un diplomate.Les Etats-Unis le savent, ils estiment que c'est de toute façon impossible d'en obtenir un. Alors, selon eux, autant lancer l'offensive et tenter de "limiter le chaos" ensuite.»