Menu
Libération
Éditorial

L’Irano-Britannique que Londres laisse croupir à Téhéran

publié le 17 octobre 2016 à 20h21

Mais que fait Boris Johnson ? Depuis plus de six mois, Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une Irano-Britannique de 37 ans, croupit dans la prison d’Evin à Téhéran. Début septembre, Nazanin a été condamnée à cinq ans de prison pour des motifs inconnus. La jeune Britannique travaille pour l’organisation caritative Thomson Reuters Foundation, qui n’a aucun lien avec l’Iran.

Le 3 avril, elle s’apprêtait à rentrer à Londres. A l’aéroport de Téhéran, sa fille Gabriella, 2 ans, lui a été arrachée des bras alors qu’elle était arrêtée. L’enfant, à qui on a enlevé son seul passeport (britannique), vit désormais chez ses grands-parents à Téhéran. Depuis, Richard Ratcliffe, son époux, remue ciel et terre. Il a d’abord suivi les conseils du Foreign Office qui lui suggérait de faire le moins de vagues possibles. Mais six mois plus tard, rien n’a bougé. Nazanin n’a jamais reçu d’assistance consulaire. Elle ne voit sa fille et ses parents qu’au compte-gouttes.

Le Foreign Office se dit «inquiet» de la situation. Mais ce n'est pas suffisant. Boris Johnson n'a «jamais appelé ouvertement à la libération de Nazanin, n'a pas condamné la situation», se désespère Richard Ratcliffe, qui n'a jamais été reçu par le ministre en dépit de ses demandes. Les Nations unies ont, elles, haussé la voix. Leur rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, Ahmed Shaheed, a appelé jeudi à la «libération immédiate» de Nazanin Zaghari-Ratcliffe, dont la détention est «arbitraire et injustifiée» après un «procès secret», une «parodie de justice». Il souligne que la santé de Nazanin s'est détériorée en prison. Pourquoi cette tiédeur de la part du Foreign Office ?

Les Iraniens ne reconnaissent pas la double-nationalité et ont pris pour habitude d'utiliser les binationaux comme des pions sur un jeu d'échecs dont les règles mouvantes ne sont connues que d'eux seuls. Un autre Irano-Britannique, Kamal Foroughi, 77 ans, est enfermé depuis six ans à Evin. Faute de soins, il est en train de perdre la vue. Une Irano-Canadienne, Homa Hoodfar, 65 ans, arrêtée en juin, a été libérée fin septembre. «Comment est-il possible que le Canada, qui ne dispose pas d'ambassade à Téhéran, ait pu faire libérer sa ressortissante et pas le Royaume-Uni qui a rouvert son ambassade début septembre ?», s'interroge Richard.

La condamnation de Nazanin est même intervenue le lendemain de l’ouverture de l’ambassade, comme un gigantesque pied de nez à Londres. Boris Johnson est occupé par une priorité absolue, le conflit syrien, dans lequel l’Iran joue un rôle non négligeable. Mais il prend aussi le temps de s’empêtrer dans des explications vaseuses sur la raison pour laquelle il a écrit en février un article défendant le maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE, deux jours avant d’annoncer qu’il soutenait le Brexit. Peut-être pourrait-il prendre aussi le temps de recevoir Richard Ratcliffe et de condamner l’emprisonnement injuste et kafkaïen d’une de ses ressortissantes ?