Avortement, immigration, Russie… Hillary Clinton et Donald Trump ont abordé un large panel de sujets lors du débat présidentiel de mercredi soir. Mais s'il y a encore un grand absent qui s'est fait remarquer, c'est bien le changement climatique. Comme le souligne, amère, Climate Nexus, une organisation stratégique de communication dédiée au climat et aux énergies propres aux Etats-Unis, seules deux secondes d'antennes ont été consacrées à cette question, à l'initiative de la candidate démocrate, qui a mentionné son plan pour de nouveaux emplois dans le domaine de l'énergie propre pour lutter contre le changement climatique.
Debate concludes with no Qs on climate change, though 2016 is expected to be the hottest year on record https://t.co/B6YrXZq0k3 #DebateNight
— Climate Nexus (@ClimateNexus) October 20, 2016
Chris Wallace, le modérateur et présentateur vedette de Fox News, n'a pas échappé à la règle, «ce qui ne surprendra peut-être personne, compte tenu de l'enthousiasme de Fox pour le sujet», commente Kate Sheppard, éditorialiste au Huffington Post.
Une minute et vingt-deux secondes
C'est Hillary Clinton, qui lors du premier débat, avait abordé le sujet, n'attendant pas une question du modérateur, qui – le savait-elle peut-être – ne viendrait jamais. «Donald pense que le changement climatique est un canular perpétré par les Chinois. Je pense qu'il est réel», avait-elle lancé, avant de développer son programme en la matière : «Nous pouvons déployer un demi-milliard de panneaux solaires supplémentaires. Nous pouvons avoir assez d'énergie propre pour alimenter tous les foyers. Nous pouvons construire un nouveau réseau électrique, moderne. Cela fait beaucoup d'emplois.»
Une intervention louable, mais qui n'a duré au total qu'une minute et vingt-deux secondes sur quatre-vingt-dix minutes de débat, comme le relève le site Grist, qui a réalisé un décompte précis de chaque déclaration sur le climat dans les débats présidentiels depuis 2000.
Le second débat ne sera guère plus engageant sur cette question. Et c'est à Ken Bone, électeur indécis présent dans le public, devenu par la suite une star du Web, à qui revient le mérite d'avoir posé la question tant attendue. «Quelles mesures proposera votre politique énergétique pour répondre à nos besoins en énergie tout en respectant l'environnement et en minimisant les pertes d'emploi de salariés de centrales électriques fonctionnant avec des combustibles fossiles ?» ose l'Américain identifiable à son pull rouge et sa moustache. Mais là encore, le thème de l'énergie propre n'aura galvanisé les candidats que durant quatre petites minutes et trois secondes, comme le constate toujours Grist.
«Spirale du silence»
Rien de nouveau jusqu’ici. En 2012, l’environnement n’avait pas du tout été abordé par les candidats à l’occasion des débats présidentiels. En 2004 et 2008, seules cinq minutes avaient été consacrées à ce sujet. Il faut finalement remonter aux débats présidentiels de 2000, pour atteindre un record de quatorze minutes, probablement dû au candidat démocrate Al Gore, transformé en véritable porte-parole du climat depuis sa défaite face à George W. Bush.
Les Américains semblent pourtant se préoccuper du sujet. Selon une étude de la Climate Change Organization publiée le 29 septembre, deux tiers des Américains se disent «vraiment ou relativement intéressés par le réchauffement climatique». Le problème ? «Pour la plupart des Américains, le changement climatique n'est pas un sujet commun de conversation ou quelque chose qu'ils entendent beaucoup parler dans leur vie quotidienne», expliquent les auteurs de l'étude, qui dénoncent une «spirale du silence». «Même les gens qui se soucient de la question répugnent à en discuter parce qu'ils entendent trop rarement d'autres personnes en parler, ce qui renforce la spirale», précise l'étude.
Hillary Clinton a bien tenté d'introduire le sujet lors de son meeting en Floride le 11 octobre. Au côté d'Al Gore, elle avait abordé les thèmes de l'énergie propre ou encore de l'accord sur le climat de Paris. La candidate démocrate avait également rappelé au passage les dégâts causés par l'ouragan Matthew en Haïti et en Floride, preuve pour elle de la réalité du changement climatique. «Pour vous en convaincre, rappelez-vous ce qui est arrivé cette semaine», avait-elle lancé à son auditoire.
Son rival persiste, quant à lui, à qualifier le changement climatique de «canular». «Difficile d'avoir un débat sur un sujet quand un candidat pense qu'il n'est pas réel», regrette le journaliste du Guardian spécialisé dans l'environnement Oliver Milman.