Menu
Libération
Vu du Brésil

Le tombeur de Rousseff arrêté pour son implication dans le scandale Petrobras

Inculpé pour corruption, blanchiment d’argent et évasion de devises, l'ex-président du Congrès brésilien Eduardo Cunha, qui avait déclenché la procédure du destitution de l'ex-présidente, sème la panique dans le nouveau gouvernement.
Eduardo Cunha, le 18 avril. (Photo Andressa Anholete. AFP)
par Chantal Rayes, Correspondante à São Paulo
publié le 20 octobre 2016 à 17h10

Jusqu'au bout, il aura maintenu son influence à Brasília. Placé en détention préventive mercredi, sur ordre de Sérgio Moro, le juge en charge de l'enquête sur le tentaculaire scandale des détournements autour du groupe pétrolier brésilien Petrobras, Eduardo Cunha fut, jusqu'en mai, le tout-puissant chef du perchoir qui déclencha la procédure de destitution de l'ex-présidente Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT), conclue le 31 août.

Inculpé pour corruption, blanchiment d'argent et évasion de devises, il est désormais l'«homme-bombe», selon la Folha de São Paulo, qui sème la panique dans le nouveau pouvoir. A commencer par le chef de l'Etat, Michel Temer, qui a fomenté avec lui l'impeachment de celle dont il était alors le vice-président… Les deux hommes sont du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), une des formations en cause dans l'affaire Petrobras. Figure clé du système de financement occulte du PMDB, «détenteur d'énormes secrets» (dixit le commentateur Kennedy Alencar), Eduardo Cunha pourrait être tenté de se mettre à table afin de bénéficier d'une remise de peine. Pour se venger aussi de ceux qui l'ont abandonné après s'être servis de lui pour chasser du pouvoir le PT, qui gouvernait le Brésil depuis 2003. S'il décidait de parler, «ce serait le début de la fin du gouvernement Temer», estime de son côté le député Silvio Costa.

Supposée impartialité

Pour la droite, la disgrâce de cette figure conspuée – et par ailleurs ultraconservatrice – offre un cinglant démenti à la thèse des partisans du PT, selon lesquels la réelle motivation de l'impeachment de Dilma Rousseff était de s'emparer du pouvoir pour tenter de freiner l'enquête sur le scandale dit du Petrolão, ce que l'ex-présidente se refusait à faire, fût-ce aux dépens de son propre parti. En réalité, écrit The Intercept, le blog de Glenn Greenwald, influent journaliste américain basé à Rio, cette arrestation spectaculaire permet au très controversé juge Moro – accusé de ne s'en prendre qu'au PT, en fermant les yeux sur les accusations pesant sur ses adversaires – de faire valoir une supposée impartialité sans toutefois menacer directement le nouveau pouvoir, dont des membres importants sont cités dans l'affaire. Un argument de poids que le magistrat ne manquera pas de faire valoir au cas où il décidait, comme le veut la rumeur, de placer aux arrêts l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010), accusé par le parquet d'avoir été le cerveau du Petrolão au profit de son propre parti, le PT. La gauche, pour sa part, semble avoir oublié un instant ses critiques aux méthodes supposées arbitraires du magistrat, pour applaudir la mise en détention d'Eduardo Cunha. Tandis qu'à Brasília, on se demande déjà : à qui le tour ?