Surprendre par le lieu, le temps et la cible de ses attaques reste un ressort essentiel de la stratégie de l’Etat islamique (EI). Les assauts spectaculaires lancés par ses hommes vendredi à l’aube, à Kirkouk (sud-est de Mossoul), en sont un nouvel exemple. Des dizaines de combattants jihadistes ont surgi en divers points de la ville contrôlée par les forces kurdes irakiennes. Au moins cinq kamikazes ont fait exploser leurs bombes contre des bâtiments gouvernementaux, dont le quartier général de la police, des check-points et des patrouilles. Une centrale électrique en cours de construction par une société iranienne à la périphérie nord de Kirkouk a également été ciblée. Et seize de ses employés, dont cinq Iraniens, ont été tués, selon le ministère irakien de l’Energie.
En quelques heures, des affrontements dans les rues entre jihadistes et forces de sécurité kurdes ont transformé Kirkouk en champ de bataille. Alors qu’en milieu de matinée, le gouverneur de la ville déclarait que la situation était sous contrôle, les combats se sont poursuivis, notamment autour d’un hôtel et d’une maison du centre-ville, où des groupes de jihadistes s’étaient retranchés. Certains sont entrés dans la mosquée al-Mohammadi et se sont mis à lancer des slogans de l’EI par les haut-parleurs qui servent d’habitude au muezzin pour appeler à la prière. Les autorités religieuses avaient annoncé l’annulation de la prière du vendredi dans les mosquées.
Cellules dormantes
Perçue comme une tentative de diversion de l'Etat islamique en pleine offensive internationale contre son bastion de Mossoul, cette contre-attaque montre toutefois que l'organisation jihadiste conserve de dangereuses capacités d'action hors des territoires qu'elle contrôle. Le gouverneur de la province de Kirkouk, Najmeddin Karim, a attribué l'assaut à des cellules dormantes de l'EI qui auraient été activées dans la région. Un colonel de la police locale expliquait dans le même temps à la presse locale que «les hommes de Daech ont emprunté des tunnels creusés depuis les montagnes voisines du Hourane».
Situé dans une région pétrolifère disputée entre les Kurdes et le gouvernement de Bagdad, Kirkouk était passé en 2014 sous le contrôle des forces kurdes qui ont stoppé l’avancée de l’Etat islamique en pleine conquête de l’Irak. La ville multiethnique et multiconfessionnelle de plus de 400 000 habitants semblait à l’écart de la grande confrontation lancée contre les forces de l’Etat islamique.