Jusque-là tout va bien, assurait en substance le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Ashton Carter, en repartant d’Irak dimanche. Une semaine après le déclenchement de l’offensive pour la reprise de Mossoul à l’Etat islamique (EI), le chef du Pentagone a fait une visite de trois jours dans la région pour suivre le bon déroulement des opérations. Soucieux de maintenir un front uni face à l’EI, les Etats-Unis surveillent comme le lait sur le feu la répartition des rôles entre les différentes forces qui participent à la bataille sur le terrain.
Relais
Carter a rencontré samedi à Bagdad le Premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi, puis le leader kurde Massoud Barzani à Erbil, dimanche. Il s'est félicité de la «complète coordination» entre l'armée irakienne et les peshmergas, malgré les tensions existant entre le gouvernement du pays et le gouvernement régional kurde. Les peshmergas ont repris à l'EI du territoire au nord et à l'est de Mossoul. Le plan d'attaque irakien prévoit qu'ils s'arrêtent à environ 20 kilomètres de la ville, laissant ensuite l'armée prendre le relais pour y entrer. «Ils ont quasiment atteint» cette ligne, selon un responsable militaire américain.
Un problème de voisinage plus épineux était aussi à l'agenda du chef du Pentagone. Il concerne le rôle que revendique la Turquie dans la bataille de Mossoul, et auquel s'oppose le gouvernement d'Irak. Un «accord de principe» entre Bagdad et Ankara, permettant à terme une participation turque, avait été annoncé par Carter vendredi, après une réunion avec le président Recep Tayyip Erdogan. Accord loin d'être confirmé par Al-Abadi : «Je sais que les Turcs veulent participer, nous leur disons merci mais c'est quelque chose que nous, Irakiens, allons gérer nous-mêmes», a-t-il déclaré aux journalistes après sa rencontre avec le secrétaire d'Etat américain à la Défense. Des propos aussitôt qualifiés de «provocateurs» par le Premier ministre turc, Binali Yildirim, qui a indiqué que la Turquie continuerait à avoir une présence dans le pays.
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Ankara veut imposer sa participation à la bataille de Mossoul au nom du passé ottoman de la capitale de la province de Ninive, considérée comme faisant partie de la sphère d’influence turque. Le gouvernement turc se présente surtout comme le défenseur de la présence des Arabes sunnites dans cette région où ils restent majoritaires. Il entend s’opposer à la participation de milices chiites ou de combattants kurdes du PKK à la conquête de Mossoul. Son Premier ministre a indiqué ne pas être satisfait des promesses des Américains et des Irakiens à ce propos.
Frappe
S'appuyant sur son alliance avec les Kurdes de Massoud Barzani, Ankara a vite joint un geste déterminé à sa parole. L'artillerie turque a frappé en début de soirée des positions de l'EI dans le nord de l'Irak, à Bashiqa. C'était en réponse à une demande des peshmergas, a affirmé Binaldi Yildirim à la télévision. La présence de quelque 700 soldats turcs dans le camp de Bashiqa est au cœur de la dispute entre Ankara et Bagdad. A peine quelques heures après le départ d'Ashton Carter de la région, la Turquie a donc gâché sa «mission réussie». Elle a frappé symboliquement, pour montrer sa capacité de dérégler la «complète coordination» entre forces centrales irakiennes et combattants kurdes pour la bataille de Mossoul.