Javier Duarte est recherché depuis vendredi par Interpol dans 190 pays du globe, mais ce n'est ni un tueur en série ni un baron de la drogue. Le 12 octobre, il était encore gouverneur de l'Etat de Veracruz, le troisième plus peuplé du Mexique avec près de 8 millions d'habitants. Il avait présenté sa démission après que 53 charges furent présentées contre lui par l'administration fiscale, de l'enrichissement illicite au blanchiment. Au moment d'être interrogé par un juge, Duarte, 43 ans, s'est volatilisé. «Il s'est enfui en hélicoptère», a balancé un de ses camarades du Parti de la Révolution institutionnelle (PRI), le parti du président Enrique Peña Nieto. La police le soupçonne d'avoir quitté le pays, d'où le recours à Interpol.
A son arrivée à Los Pinos, la résidence présidentielle à Mexico, en 2012, Peña Nieto jurait que le PRI avait changé, qu’il n’était plus la machine à corrompre, à s’enrichir et à truquer les scrutins qui avait régné sans partage sur le pays entre 1929 et 2000. Cet interminable règne avait pris fin avec deux mandats d’élus du Parti d’action nationaliste (PAN, droite), Vicente Fox puis Felipe Calderón.
Mais sitôt le PRI revenu aux affaires, les Mexicains se rendent compte que la rénovation du personnel s’accompagne des mêmes vieilles méthodes. A plus grande échelle encore, puisque le pouvoir corrupteur des cartels de la drogue s’est décuplé avec le déclin des mafias colombiennes.
Javier Duarte n’est pas le seul gouverneur du PRI en délicatesse avec la justice. Mais Veracruz concentre, par son poids démographique et économique, toutes les plaies de la démocratie mexicaine. La région bénéficie des ressources du tourisme et du pétrole, mais elle est lourdement endettée. L’argent public s’évapore et gare à ceux qui tentent de savoir pourquoi: Veracruz détient le record de journalistes assassinés.
La fuite, synonyme d'impunité, de Javier Duarte accable encore un peu plus le non-président qu'est devenu Peña Nieto. Sa surréaliste invitation lancée à Donald Trump, pourtant ouvertement raciste avec ses voisins du sud, ou la révélation d'avoir obtenu son doctorat grâce à une thèse plagiée à 80 % l'ont privé du peu de crédibilité qui lui restait. Quant à l'autorité de l'Etat qu'il est censé incarner, elle se réduit à une fiction, une de ces telenovelas où brillait son épouse, l'actrice Angélica Rivera.