L'enquête s'annonçait compliquée. Aux premiers mois de l'opération «Sangaris», entre décembre 2013 et avril 2014, des militaires français auraient commis des violences sexuelles sur des mineurs centrafricains, réfugiés près de l'aéroport de Bangui, la capitale. La Centrafrique est alors en proie à de très violents affrontements, provoquant des déplacements de centaines de milliers d'habitants. A l'été 2014, le haut-fonctionnaire des Nations unies Anders Kompass alerte les autorités françaises (lire ci-contre)dans une note confidentielle de six pages comprenant les témoignages, souvent très précis, de six enfants. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire.
L'affaire est confidentielle et le reste durant plusieurs mois. Jusqu'au printemps 2015, quand le quotidien britannique The Guardian révèle l'éviction de Kompass et les accusations portées par les enfants. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, appelle les soldats qui auraient «commis de tels actes» à «se dénoncer immédiatement». Trois juges d'instruction français sont désignés peu après pour poursuivre les investigations. Elles aboutiront à la fin de l'année 2015 aux auditions, dont une garde à vue, de cinq militaires français semblant correspondre aux descriptions fournies par les enfants. Faute d'éléments confirmant les témoignages, aucun n'est finalement mis en cause malgré les perquisitions et les écoutes dont ils ont également fait l'objet.
Depuis, l'enquête se poursuit sans aboutir à plus de résultats à ce jour. Une autre procédure a été ouverte en avril par le parquet de Paris, après de nouvelles informations transmises aux autorités françaises par le Haut Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU. L'enquête préliminaire porte sur des agressions sexuelles qui auraient été commises par des Casques bleus burundais et gabonais, mais aussi par des Français de Sangaris à Dékoa, dans le centre du pays, entre 2013 et 2015. Selon un article publié ce mois-ci par le Monde, un rapport intermédiaire remis fin août par le Bureau des services de contrôle interne des Nations unies - organe précisément mis en cause par Kompass et par l'ancien enquêteur Peter Gallo, lire pages 4-5 - met en doute une grande partie de ces accusations : «50 % des cas ne sont pas étayés par des preuves et seul 20 % présentent des preuves incontestables, les 30 % restant présentent des éléments de preuve ne pouvant être corroborés.»