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Libération
The Americans (2/14)

Aux Etats-Unis, «le président a peu de marge de manœuvre sur les questions de santé»

Chaque jour jusqu’à la présidentielle du 8 novembre, Libération interroge un(e) citoyen(ne) américain(e). Aujourd'hui, Marcus Thygeson, expert en systèmes de santé décrypte les failles de l'Obamacare.
A Miami, un homme tient une pancarte indiquant une compagnie d'assurance qui accepte l'Obamacare. (Photo Joe Raedle. AFP)
publié le 27 octobre 2016 à 14h43

Marcus Thygeson est le vice-président et chef du service santé de Blue Shield of California, une compagnie d’assurances à but non lucratif. Il est membre de California Covered, le système qui administre le marché régulé des assurances créé par

, aussi appelé

. Le taux de non-assurés dans la population américaine a atteint cette année un minimum historique : seuls 8,6 % des Américains, contre 15,7 % avant la signature de l’Obamacare en 2010, n'ont pas d'assurance santé. Pourtant, l’ACA continue de subir de multiples revers.

Que pensez-vous de l’Obamacare?

Il existe de fortes préoccupations sur la pérennité du marché régulé par les Etats créé par l’Obamacare. Un des problèmes est que les personnes en bonne santé ont tendance à ne pas prendre d’assurance. Cela augmente mécaniquement le prix pour les autres. Je pense que l’ACA est un pas dans la bonne direction, mais la réforme n’est pas aboutie. Il existe beaucoup de modifications qui permettraient de l’améliorer.

Récemment, d’importantes compagnies d’assurances ont prévu de sortir du programme de marché régulé. Est-ce que cela risque de mettre en péril tout le système?

Non, beaucoup de personnes croient toujours dans le principe général selon lequel tout le monde devrait avoir accès à une assurance santé. En tant que citoyen, je trouve incroyable la manière dont les Etats-Unis ont balkanisé l’accès aux assurances santé. Ce secteur de l’économie est dans un état dramatique. Nous avons un patchwork de programmes d’assurance qui varient en fonction du niveau de pauvreté.

Est-ce que l’Obamacare pourrait être démantelé sous la prochaine présidence ?

Cela m’étonnerait. Il y a beaucoup d’aspects du système qui sont populaires. Si Hillary Clinton est élue, elle tentera de l’améliorer. Ce sera difficile pour elle en raison des relations tendues entre les démocrates et les républicains, actuellement, au Congrès. Le président, sur ces questions, a peu de marge de manœuvre. Et même si Donald Trump est élu, les républicains ne se risqueront pas à perdre les effets bénéfiques apportés par l’Obamacare. De toute façon, ils n’auraient probablement pas assez de pouvoir au Congrès pour y apporter de grands changements. On risque donc d’être coincés avec la réforme actuelle, sans que de grandes modifications y soient apportées. Cela conduirait à une baisse progressive des alternatives proposées sur les marchés régulés d’assurances.

Qu’est-ce qui peut être amélioré dans l’Obamacare ?

Les politiques doivent trouver un meilleur moyen d’inciter les personnes à souscrire aux assurances. Ou même les obliger à le faire, en augmentant, par exemple, la pénalité financière en cas de non-souscription. Il faut aussi créer des moyens de contrôle plus efficaces.

Malgré la mise en place de l’Obamacare, les Etats-Unis ont encore un des systèmes de santé les plus coûteux au monde, sans pour autant garantir la plus haute qualité. Pourquoi ?

Notre marché de la santé est défaillant. La régulation fédérale est insuffisante sur ce qui devrait être considéré comme un service d’utilité publique, mais qui est en fait considéré comme un marché libre. Nous devrions combattre les intérêts communs entre les lobbys et les personnalités politiques, changer les lois pour que les autorités rendent des comptes à la population. Étant donné la situation politique actuelle du pays, cela ne risque pas d’arriver prochainement.