Le Ceta (l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada) va pouvoir être signé par la Belgique. Paul Magnette, le ministre-président de la région wallonne, après une semaine d’intenses négociations d’abord avec la Commission, puis avec le Canada et, enfin, avec le gouvernement fédéral de la Belgique, a donné jeudi son accord à un compromis qui doit encore être approuvé par les huit Parlements du pays dotés de compétences commerciales avant ce vendredi minuit. Avant de devenir définitif, il devra être soumis aux autres Etats membres de l’UE, ce qui ne devrait poser aucun problème.
Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, pourra enfin sauter dans son avion pour apposer, à Bruxelles, son paraphe sur le Ceta, à côté de celui de Jean-Claude Juncker, le président de l'exécutif européen. Pour en arriver à ce compromis à l'arraché, il a quand même fallu en passer par l'annulation in extremis, mercredi, du sommet UE-Canada qui aurait dû avoir lieu jeudi et vendredi alors même que la Commission et le gouvernement fédéral belge savaient depuis un an que le Parlement wallon ne voulait pas du Ceta en l'état. Cette opposition avait été solennellement affirmée dans une résolution votée le 27 avril. Une inconséquence politique qui laisse sans voix.
Disposition contestée
Et la messe est encore loin d’être dite : l’approbation de la Wallonie ne porte que sur la signature par le gouvernement belge du traité et non sur sa ratification définitive. Or, dans l’accord trouvé jeudi, les francophones et les germanophones de Belgique annoncent d’ores et déjà qu’ils ne ratifieront pas le texte si le mécanisme de règlement des différends en matière d’investissement, c’est-à-dire le fameux tribunal arbitral, n’est pas soit abandonné, soit réformé. Sauf, bien sûr, si leurs Parlements (région wallonne, région de Bruxelles capitale, communauté française, communauté germanophone et commission communautaire francophone) décident du contraire.
Une position qui pourrait très bien faire école, une quarantaine de Parlements nationaux et régionaux, plus celui de l’UE, devant ratifier le Ceta. C’est la disposition la plus contestée par une partie des opinions publiques, celles-ci craignant de voir les entreprises multinationales canadiennes, mais surtout les filiales des grands groupes américains installées au Canada, attaquer les Etats ou l’UE si un changement de législation nuisait à leurs intérêts. Dans l’accord belge, il a été convenu que le gouvernement allait d’ailleurs saisir la Cour de justice de l’UE afin qu’elle se prononce sur la légalité de ce tribunal vis-à-vis du droit européen. Curieusement, ce n’est pas le Canada qui a demandé l’introduction de ce mécanisme, mais l’Union, Ottawa étant vacciné contre les arbitrages : dans le cadre de l’Alena, l’accord de libre-échange qui le lie au Mexique et aux Etats-Unis, il n’a pas gagné une seule procédure…
Normes sociales
Enfin, le Ceta sera assorti d'un «instrument interprétatif» accepté par le Canada qui aura la même force juridique que le traité lui-même, et qui précise tout ce qu'il ne permet pas : pas de remise en cause du droit à légiférer, pas d'obligation d'accepter les normes élaborées en commun, interdiction d'abaisser les normes sociales et environnementales ou encore affirmation que la définition des services publics appartient aux Etats et que chacun est libre de privatiser ou de nationaliser tel ou tel service.
Une fois le Ceta approuvé à l’unanimité des Vingt-Huit et signé par le Canada, il devra être ratifié par le Parlement européen d’ici la fin de l’année ou au tout début de 2017. Ensuite, il s’appliquera provisoirement, comme le prévoient les traités européens, mais seulement en partie : tout ce qui concerne les investissements et le tribunal arbitral restera en suspens jusqu’à l’entrée en vigueur définitive. D’ici là, la Commission européenne va devoir remettre cette partie sur le métier afin d’éviter un incident de ratification qui est loin d’être théorique, comme vient de le rappeler la Wallonie.