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Libération

Dilemme fratricide au Parti socialiste espagnol

La reconduction de Rajoy divise le PSOE : si les uns l’acceptent pour en finir avec le blocage institutionnel, les autres refusent de pactiser avec l’ennemi politique.
Un homme remballe son poster à l'effigie de Pedro Sánchez, leader du Parti socialiste espagnol éjecté le 2 octobre. (Photo Francisco Seco. AP)
publié le 28 octobre 2016 à 19h31

Le message est solennel : «L'Espagne a besoin de nous. Il nous faut avoir un regard au-dessus de la mêlée. Sans notre sens de la responsabilité, notre pays pourrait rester longtemps dans l'incertitude, sans exécutif.» A la tribune, le porte-parole socialiste Antonio Hernando n'en mène pourtant pas large. Le 22 octobre, le parti centenaire a promis qu'il s'abstiendrait au moment de l'investiture de Mariano Rajoy, condition nécessaire au maintien au pouvoir du dirigeant conservateur. Cette décision, prise le week-end dernier à l'issue d'un comité fédéral fratricide, permet de faire sauter le verrou politique dans lequel se trouve l'Espagne depuis décembre. L'exécutif dirigé par la droite se bornait jusque-là à expédier les affaires courantes, sans pouvoir voter le budget de 2017 ni avoir la moindre influence au sein de l'Union européenne.

Le Parti socialiste espagnol (PSOE) est une formation au bord de l’implosion, fracturée en deux blocs. Certes, tous exècrent la figure de Rajoy, associée à la corruption, à l’austérité, aux politiques libérales et aux coupes franches dans la santé et l’éducation. Mais face à ce constat, deux camps se sont formés. Le premier, qui a eu gain de cause, estime que permettre l’investiture de Mariano Rajoy est un moindre mal : si, en effet, aucun exécutif ne peut se former, on se dirigerait vers des législatives en décembre – les troisièmes en un an –, où les socialistes, déjà en pleine dégringolade, risqueraient un désastre électoral. Au point d’être battus par la gauche radicale de Podemos. L’autre camp se moque de telles conjectures : à ses yeux, pactiser avec Rajoy est une façon de signer l’acte de décès du parti à moyen terme.

«En réalité, le PSOE a le choix entre le mauvais et le pire, et il a choisi le mauvais, souligne le chroniqueur d'El Mundo Luis Maria Anson. L'Espagne a besoin d'un Parti socialiste modéré, et pas d'une formation pyromane bloquant le pays entier pour on ne sait combien de temps.» C'est aussi l'avis de l'essentiel de l'appareil et des barons régionaux les plus puissants, dont l'Andalouse Susana Díaz. Mais à la gauche du parti, Pedro Sánchez, secrétaire général éjecté le 2 octobre, s'appuie sur une majorité de militants pour refuser «toute compromission avec une droite amorale et ultralibérale».

Le PSOE résistera-t-il à cette lutte interne ? Pas sûr. Autour de Sánchez, le camp des mutins parle de ne pas respecter la consigne de vote ce week-end. Cela n’affectera certes pas l’investiture de Rajoy – l’abstention de 11 députés socialistes est suffisante –, mais cela se traduira par une perte d’influence des socialistes au sein du Parlement. Vaincu lors des deux dernières législatives, ayant perdu 1,5 million de votants, le très affaibli PSOE se heurte désormais à un autre dilemme : apporter son soutien stable à Rajoy pendant la législature (une exigence de la droite) ou bien se positionner dans une opposition combative mais difficile à maintenir ? Le leader de Podemos, Pablo Iglesias, se frotte déjà les mains.