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Libération

En Islande, le coup d’épée dans l’eau du Parti pirate aux législatives

publié le 30 octobre 2016 à 21h31

On attendait les Pirates à l'abordage. Ce sont finalement les dissidents conservateurs pro-européens du parti Régénération qui vont tirer les ficelles, avec 10,5 % des voix, après des élections législatives historiquement serrées en Islande. Ni le gouvernement libéral-conservateur sortant ni l'opposition de centre gauche n'obtiennent la majorité pour former un gouvernement. Les deux blocs vont donc devoir composer avec cette toute jeune formation, qui n'existe que depuis le 24 mai. Elle a été créée pour protester contre la décision du gouvernement de ne pas organiser de référendum sur une adhésion à l'Union européenne.

L'économiste Thorolfur Matthiasson prévoit une période d'incertitude : «Il va falloir que certains des partis reviennent sur leurs promesses de campagne et acceptent de collaborer avec des partenaires avec lesquels ils avaient pourtant dit qu'ils refuseraient de travailler.» L'issue la plus probable, selon lui, sera la formation d'un gouvernement de centre droit, alliant les conservateurs du Parti de l'indépendance (29 %) et les libéraux du Parti du progrès (11,5 %), avec Régénération.

Pour les Pirates, donnés à 20 % dans les sondages, c'est un coup d'épée dans l'eau, puisqu'ils n'arrivent qu'en troisième position, derrière le Parti de l'indépendance et le mouvement Gauche-Verts (15,9 %). Leur score, cependant, est historique, rappelle le politologue Olafur Hardarson : «Aucun autre parti, en dehors des quatre grandes formations traditionnelles, n'a jamais obtenu plus de 11 % des voix depuis l'indépendance de l'Islande en 1944.» Les Pirates triplent leur nombre de sièges au Parlement. Pour les instituts de sondage, c'est un désaveu. En cause : une participation plus faible que de coutume, même si elle avoisine les 80 %. A Reykjavik, seuls 66 % d'entre eux se sont déplacés. Les Pirates en ont pâti. Ils ont aussi souffert de leur inexpérience, selon l'universitaire Salvör Nordal.

D'autant que le Parti de l'indépendance n'a eu de cesse, pendant la campagne, de rappeler les risques d'un gouvernement incluant les Pirates. «Ils ont mené une campagne basée sur la peur et ça a fonctionné», déplore la nouvelle députée pirate de Reykjavik, Halldóra Mogensen. Elle reconnaît aussi que son parti «n'a peut-être pas réussi à porter son message aussi bien qu'il l'aurait souhaité», par manque de financement, mais aussi parce que «le changement prend du temps».

Les électeurs renouvellent donc leur confiance à une formation qu'ils connaissent, alors que l'économie est de nouveau dans le vert, explique Thorolfur Matthiasson : «Contrairement aux Pirates, qui ont promis des choses assez vagues, comme l'adoption d'une nouvelle constitution, l'adoption de nouvelles méthodes de travail au Parlement, les conservateurs ont mis en avant des propositions concrètes. Ils capitalisent aussi sur les allégements fiscaux menés depuis 2013, qui ont profité à la classe moyenne.»

Le mécontentement s’est concentré sur la formation libérale de l’ex-Premier ministre : le Parti du progrès enregistre son pire résultat de l’histoire. Les sociaux-démocrates, eux, échappent de peu à l’humiliante sortie du Parlement, avec 5,7 % des voix.