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Libération
The Americans (5/14)

Etats-Unis : «Cette campagne a accentué l’écart de vote entre hommes et femmes, entre Blancs et minorités»

Chaque jour jusqu’à la présidentielle du 8 novembre, «Libération» interroge un(e) citoyen(ne) américain(e). Aujourd'hui, Julia Azari, professeure à la Marquette University dans le Wisconsin et analyste politique.

(DR)
Publié le 30/10/2016 à 17h54

Julia Azari est professeure en sciences politiques à la Marquette University (à Milwaukee, dans le Wisconsin). A côté de cela, elle travaille comme analyste politique dans plusieurs médias comme

Vox, FiveThirtyEight

et

Politico

.

(Photo DR)

Pourquoi le résultat de cette élection est si difficile à prédire ?

Il était déjà très difficile de prédire les primaires car beaucoup ne voulaient pas reconnaître la victoire de Trump. On pouvait pourtant la voir dans les sondages, qui n’étaient pas si inexacts. Des politologues et d’autres observateurs pensaient que les élites républicaines allaient interférer pour trouver une alternative, et que cela aurait signifié la fin pour Trump. Mais ça ne s’est pas passé comme ça, et on ne sait toujours pas pourquoi. J’aimerais savoir si ces élites ont essayé et échoué, ou si elles n’ont même pas essayé. Du côté des démocrates, les jeux sont faits depuis longtemps. Le parti n’est pas aussi idéologue que les républicains. Il est plutôt constitué d’une coalition de groupes qui ont les mêmes objectifs, et s’accordent sur certains principes progressistes.

Vous avez écrit récemment dans un article que ces élections ne changeraient pas la ligne de chacun des partis…

Disons que cette campagne a accentué l’écart de vote entre les hommes, plus républicains, et les femmes, plus démocrates, qui existe depuis longtemps. L’écart entre les minorités de couleur qui votent plus démocrates, et les Blancs plus républicains a aussi été élargi. La principale divergence entre les deux partis concerne les questions économiques sur lesquelles les républicains ont beaucoup changé avec la candidature de Trump.

Quel est l’enjeu qui pousse les gens à aller voter ?

C’est une question intéressante. Si vous m’aviez demandé pourquoi les gens votent, j’aurais dit la fidélité partisane. C’est un processus. Les gens choisissent leur camp d’abord, puis décident de leur position sur les grands enjeux politiques et sociaux en fonction de cela. Mais si on se concentre sur leur motivation pour aller voter, je dirais l’économie pour les démocrates qui sont plus préoccupés par l’emploi, l’égalité, l’intervention fédérale et la protection sociale. Pour les républicains, ce sont les impôts, l’inflation, le libre-échange, et avoir un bon climat pour les affaires. Mais cette année, on voit aussi – même si ce n’est pas nouveau – que les positions sur les questions raciales influencent beaucoup le vote…

Pour cette élection, il semblerait que l’Ohio ne soit plus l’Etat le plus déterminant. Etes-vous d’accord ? Lesquels le sont alors ?

Je ne suis pas sûre de cela. L’Ohio, comme la Floride, va être crucial. Sinon ce sera le Nevada, le Colorado et l’Iowa. Selon moi, la carte électorale sera très proche, voire similaire à celle de 2012. Beaucoup de personnes pensent qu’il existe un effet de non-déclaration dans les sondages, que de nombreux électeurs de Trump n’osent admettre qu’ils voteront pour lui dans les questionnaires. Je ne sais pas s’il faut y croire. Généralement, l’explication la plus simple est la plus vraie. Celle-ci est un peu conspirationniste.

Quelles conséquences cette élection risque d’avoir sur les partis après le 8 novembre ?

Si les républicains perdent, ils vont probablement essayer d’ignorer cette campagne électorale, l’effet Trump, faire comme si elle n’avait pas existé. Comme en 2012. Pour les démocrates, je pense qu’ils se déplacent sur leur gauche et qu’ils développent des idées différentes de celles qu’ils avaient dans les années 90. C’est un changement important qui se fera, que Clinton gagne ou non.

Les républicains ont donc un avenir assez incertain ?

Le gros problème du parti est que personne ne peut sortir du processus de primaires puis mener ensuite dans la campagne présidentielle. Si Trump perd, cette analyse se sera vérifiée en 2016, en 2012 et en 2008. Ce qu’a mis en lumière l’élection de cette année, c’est que tous les candidats potentiellement éligibles n’ont pas eu les moyens d’émerger dans les primaires. Les républicains peuvent changer leur système, mais il leur faut déterminer quels électeurs ils veulent viser. C’est un gros pari. Seulement, étant donné les options qu’ils ont actuellement, il est très probable qu’ils gardent le statu quo.