Directeur de la King’s Academy, une école internationale réputée en Jordanie, l’Américain John Austin évalue l’impact que pourrait avoir le résultat de l’élection américaine au Moyen-Orient. Son établissement compte une cinquantaine d’élèves américains, soit le deuxième plus grand groupe d’étudiants étrangers dans les effectifs.
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L’élection américaine intéresse-t-elle les Jordaniens ?
La population est beaucoup plus préoccupée par ce qu’il se passe dans notre région que par l’élection américaine. Avec la Syrie au Nord et l’Irak à l’est, la Palestine et Israël à l’ouest : ce sont des questions qui façonnent réellement notre région. Ajouté à cela ce qu’il se passe à Paris, la menace mondiale du terrorisme… Notre pays n’a pas non plus la richesse pétrolière ni les ressources naturelles des Etats voisins. Compte tenu des enjeux géopolitiques et économiques, l’élection américaine, avec un candidat comme Trump qui fait les gros titres, ne bénéficie pas de la même attention en Jordanie.
Une préférence se dégage-t-elle au sein de votre école pour un candidat ?
On sait à quoi s’attendre avec Hillary Clinton, mais elle n’engendre pas beaucoup d’enthousiasme ici. Elle connaît la région, elle est venue plusieurs fois et les gens seraient peut-être plus à l’aise avec elle. Donald Trump, lui, est perçu comme une grande gueule imprévisible. D’autant plus qu’il a dit qu’il allait interdire aux musulmans l’entrée aux Etats Unis. Une mesure qui pourrait poser d’énormes défis pour nous, car nous envoyons 60% de nos élèves aux Etats-Unis, et la majorité d’entre eux sont musulmans. Je ne sais pas ce que cela signifierait pour les admissions universitaires. En ce qui concerne la Syrie, personne ne semble savoir que faire là-bas, y compris les deux candidats.
Que pensez-vous de l’action de Barack Obama au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, en Israël et en Palestine ?
Toute son approche consistait à se désengager du Moyen-Orient, et il l'a fait. Il a montré de la retenue quand il a tracé la ligne rouge au sujet des armes chimiques. Et même lorsqu'il est apparu que la Syrie avait utilisé des armes chimiques, il a décidé de ne pas s'engager. J'ai été soulagé qu'il n'ait pas envoyé d'avions bombardiers. C'était juste à deux heures de voiture de chez nous. Cela aurait pu être extrêmement déstabilisant pour la Jordanie et la région. En ce qui concerne Israël, Barack Obama a une relation complètement dysfonctionnelle avec le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Ce n'est pas un homme facile mais leurs relations ont empiré ces dernières années. Et nous avons beaucoup d'élèves palestiniens au sein de notre école qui n'apprécient pas cette mésentente.
Qu’en est-il des 1,4 million de réfugiés en Jordanie ? Les Etats-Unis les aident-ils ?
Seulement 35% du coût total des réfugiés dans le pays est payé par la communauté internationale. Cela met une pression énorme sur l’économie jordanienne, sur les écoles et les hôpitaux. Le roi Abdallah II martèle qu’on ne peut pas simplement renvoyer les femmes et les enfants à la frontière. Ce n’est pas facile pour les Jordaniens. Mais le souverain est un leader fort, convaincant et engagé, et il a été en mesure d’appuyer cette cause. Les réfugiés représentent 1,4 million de personnes sur une population d’environ 6,5 millions en Jordanie [en 2013]. Proportionnellement, si les Américains avaient essayé de faire la même chose, nous parlerions de dizaines de millions de réfugiés aux Etats-Unis.