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Libération
Récit

Présidentielle américaine : tous les coups bas sont permis

A une semaine du scrutin, de nouveaux rebondissements mettent Hillary Clinton en difficulté. Un énième retournement dans une campagne en roue libre, d’une brutalité effarante.
Des poupées à l’effigie de Donald Trump et Hillary Clinton, à Moscou le 10 août. (Photo Ramil Sitdikov. Spoutnik. AFP)
publié le 1er novembre 2016 à 19h51

La campagne présidentielle américaine la plus imprévisible et nauséabonde du siècle écoulé vient d’entrer dans son ultime semaine. Il y a quelques jours encore, Hillary Clinton semblait voguer sereinement vers son graal : devenir la première femme à présider aux destinées des Etats-Unis. La voici désormais sur la défensive, rattrapée - une énième fois - par son goût du secret et son choix déroutant d’avoir utilisé une messagerie privée lorsqu’elle était secrétaire d’Etat. Les milliers de mails découverts sur un ordinateur appartenant à la plus proche conseillère de Clinton et à son mari sont en cours d’analyse par le FBI, qui a annoncé vendredi une extension de l’enquête. Ils ne se révéleront peut-être ni significatifs ni compromettants. Mais à en croire les sondages réalisés ces derniers jours, le mal est déjà fait.

Oxygène. Dans le dernier baromètre ABC News / Washington Post, publié mardi, Trump dépasse Clinton d'un point : 46 % contre 45 %. Une première depuis mi-mai. Dans la moyenne des sondages du site RealClearPolitics, l'ex-Première dame conserve certes une avance de 2,2 points. Mais l'écart, qui était de 7 points mi-octobre et de 5,6 points le 27 octobre, n'en finit plus de se réduire. Tout aussi inquiétant pour le camp Clinton : la dynamique s'effrite. La part de ses partisans «très enthousiastes» est passée de 52 % le 22 octobre à 45 % dimanche. Dans le camp Trump, elle a grimpé de 49 % à 53 %.

Plombé en octobre par la divulgation de ses propos obscènes envers les femmes, qu'il se vantait d'embrasser sans leur consentement et «d'attraper par la chatte», accusé d'abus sexuels par une dizaine d'entre elles, Trump a accueilli les nouvelles révélations du FBI comme une bouffée d'oxygène. Et depuis vendredi, il cherche à capitaliser sur son sujet de prédilection : la malhonnêteté supposée de sa rivale. Trump laisse d'ailleurs entendre que même en cas de victoire, Clinton restera menacée par l'affaire des mails. «Si Hillary est élue, elle fera l'objet d'une enquête pénale prolongée, et probablement d'un procès pénal, a-t-il lancé lundi dans le Michigan. Son élection enfoncerait l'Etat et notre pays dans une crise constitutionnelle.» Des propos qui font écho aux appels de certains républicains à lancer une procédure de destitution au Congrès en cas d'élection de la démocrate.

De rebondissement en insulte, d'invective en insinuation, cette campagne n'en finit plus de toucher le fond. Indifférent - voire hostile - au décorum et aux normes de la vie politique, Trump en est le premier responsable. Compilée par le New York Times, la liste des «281 personnes, lieux et choses» que le candidat a insultés sur Twitter offre une plongée fascinante dans son champ lexical : «débile», «violeurs», «stupides», «pervers», «dépravé», «sordide», «dégénéré», etc. «Je n'ai jamais vu un candidat aussi vulgaire, abrasif et cru», confie Robert Dallek, historien spécialiste des présidents américains.

Critiqué pour son style et son tempérament, Trump est en outre accusé d'être à la botte de Vladimir Poutine, dont il a souvent chanté les louanges. Lundi, un article de Slate a révélé l'existence de discrètes communications entre un serveur appartenant au milliardaire et Alfa Bank, une banque russe dont les fondateurs sont réputés proches du Kremlin. «Cela pourrait être le lien le plus direct découvert pour le moment entre Donald Trump et Moscou», a aussitôt réagi un proche conseiller de Clinton.

Double-langage. Le FBI se montre plus prudent mais les tentatives de déstabilisation de la Russie ne font aucun doute. Des pirates informatiques russes ont ainsi hacké les mails du parti démocrate et ceux de John Podesta, directeur de campagne de Clinton. Publiés par WikiLeaks, ces dizaines de milliers de messages jettent une lumière crue sur les méthodes de la candidate et de son entourage, du traitement inéquitable réservé à Bernie Sanders au double-langage politique, en passant par les soupçons de favoritisme entourant la Fondation Clinton ou la fuite de questions en amont d'un débat. «Les mails de Podesta montrent comment l'Amérique est dirigée, écrit le politologue Thomas Frank dans une tribune cinglante publiée par The Guardian . Ils montrent [que] ces gens au sommet de l'élite sont loyaux les uns envers les autres et cela supplante tout le reste.»

A six jours du scrutin, l'issue demeure incertaine. Mais une chose est sûre : quel que soit le vainqueur, il sera le candidat le plus impopulaire jamais élu à la Maison Blanche. Impopulaire aux Etats-Unis, mais aussi, peut-être, à l'étranger, où cette campagne brutale pourrait laisser des traces. Redorer le blason américain ne sera pas le moindre des défis pour le successeur de Barack Obama.