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A Moscou, l'ONG Amnesty International brutalement mise à la rue

Sans préavis, les autorités moscovites ont scellé mercredi matin les locaux de l'association. Cet incident intervient au lendemain de l'appel de l'ONG à enquêter sur la torture en prison d’Ilya Dadine, un militant de l’opposition et premier condamné en vertu d’un article de loi récent sur l’enfreinte aux règles de la manifestation.
Photo issue du compte Twitter d'Amnesty International/ (Amnesty International)
publié le 2 novembre 2016 à 19h10

En arrivant ce matin au bureau, les employés d'Amnesty International à Moscou ont trouvé les serrures changées et un scellé sur la porte, apposé par les autorités municipales, avec l'«interdiction de pénétrer dans les locaux sans un responsable de la ville de Moscou», propriétaire des lieux. Et un numéro de téléphone gribouillé à la main pour joindre ledit responsable.

«Durant les premières heures, nous avons essayé de comprendre ce qui s'est passé, nous avons téléphoné au numéro indiqué, mais à l'autre bout du fil, silence radio», écrit sur sa page Facebook Ivan Kondratenko, l'un des employés de l'association. Jusqu'à ce que la mairie publie un communiqué, expliquant que l'ONG, bien que relancée à plusieurs reprises, n'avait pas réglé le loyer. «Mensonges, commente Kondratenko. Nous n'avons jamais reçu aucune notification d'arriérés de paiement». Selon lui, Amnesty a toujours payé toutes les factures, depuis vingt ans qu'elle loue ce local de 60m² dans le centre de Moscou.

«Agents de l’étranger»

«Nous ne savons pas ce qui a pu inciter les autorités de Moscou à refuser à nos employés l'accès à nos bureaux, a commenté pour sa part John Dalhuisen, le directeur Europe d'Amnesty, mais compte tenu du climat actuel pour la société civile en Russie, il y a manifestement un grand nombre d'explications plausibles». De fait, l'étau ne cesse de se resserrer autour des ONG, principalement celles qui défendent les droits humains, accusées par le Kremlin d'être des instruments de l'Occident œuvrant à l'affaiblissement, de l'intérieur, de la Russie. Depuis 2012, une loi oblige celles qui reçoivent des financements étrangers à s'enregistrer en tant qu'«agents de l'étranger». Et depuis mai 2016, une autre, aux formulations tout aussi vagues, permet de liquider une ONG internationale sans décision de justice, si elle représente une menace pour la «sécurité nationale» ou les «fondements constitutionnels» de la Russie.

Alors qu'Amnesty International dénonce régulièrement les atteintes aux droits humains en Russie, ce «signal» est envoyé à l'organisation au lendemain de son appel à enquêter sur la torture en prison d'Ildar Dadine, un militant de l'opposition et premier condamné en vertu d'un article de loi récent sur l'enfreinte aux règles de la manifestation. Il était, notamment, sorti tout seul avec une pancarte «Je suis Charlie».