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Libération
Référendum

La Côte-d'Ivoire pousse la porte de la IIIe République

La nouvelle Constitution a recueilli 93% de «oui», lors du vote de dimanche. La participation, en revanche, n'a atteint que 42% dans un scrutin boycotté par l'opposition.
A Yopougon, dimanche. (Photo Issouf Sanogo. AFP)
publié le 2 novembre 2016 à 12h04

Cette fois-ci, pas d’allongement de la durée du mandat présidentiel, ni d’extension du nombre de mandats autorisés, comme au Burundi, au Tchad, en Algérie ou au Congo-Brazzaville… La nouvelle Constitution ivoirienne, qui doit remplacer celle d’août 2000 – votée six mois après le coup d’Etat militaire qui avait renversé Henri Konan Bédié – conserve le système du quinquennat renouvelable une seule fois. Elle est censée réconcilier un pays profondément divisé par une guerre civile (2002-2007) et une crise politique majeure (2010-2011).

Les débats ont été vifs, des manifestations d'opposants ont été violemment dispersées par la police pendant la campagne, mais Alassane Ouattara, le chef de l'Etat, semble avoir gagné la partie. La Côte-d'Ivoire va prochainement entrer dans la IIIRépublique. La nouvelle Constitution a été approuvée par 93% des voix, et 42% des électeurs se sont déplacés pour voter lors du référendum de dimanche, a annoncé mardi soir la Commission électorale indépendante (la précédente Constitution avait recueilli 87% de «oui», pour un taux de participation de 56%, mais le scrutin s'était déroulé sur deux jours). L'opposition, menée par l'ancien parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien, s'était rassemblée en un Front du refus, et avait appelé à boycotter le scrutin.

L’apparition d’un Sénat

Si la nouvelle loi fondamentale respecte le cadre du régime présidentiel en vigueur depuis l'indépendance, elle apporte quelques changements majeurs au fonctionnement des institutions ivoiriennes. A commencer par la création d'une deuxième Chambre. Les deux tiers des nouveaux sénateurs seront élus au suffrage universel indirect, le dernier tiers étant nommé directement par le chef de l'Etat. Les opposants voient dans cette prérogative une «dérive monarchique».

Une autre modification a fait couler beaucoup d'encre dans les journaux d'opposition : la nouvelle Constitution prévoit la création d'un poste de vice-président de la République, élu sur le même ticket que le Président, à la manière américaine. En cas de décès ou d'incapacité, le «VP» doit succéder au chef de l'Etat. Pensée pour apporter de la stabilité dans un pays où le pouvoir a souvent vacillé ces dernières années, cette fonction a alimenté les fantasmes. Les opposants à la IIIRépublique dénoncent un poste de «dauphin constitutionnel» ou de «successeur institutionnel», qui fausserait le jeu politique ivoirien. D'autant que le premier vice-président ne sera pas élu, mais directement nommé par Alassane Ouattara.

L'«ivoirité» battue en brêche

L'un des bouleversements les plus importants de la IIIRépublique est l'effacement de la notion d'«ivoirité» qui empoisonne la société depuis une vingtaine d'années. Auparavant, le président de la République devait en effet «être ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine». Désormais il «doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d'origine». Le texte empêche toujours cependant les binationaux de se présenter à la présidence, pointe ses détracteurs. L'âge limite des candidats (75 ans jusqu'à présent) est aboli, tandis que l'âge plancher est abaissé à 35 ans.

La Constitution plébiscitée dimanche formalise également l'existence d'une Chambre nationale des rois et chefs traditionnels, aux attributions limitées – «la valorisation des us et coutumes ; la promotion des idéaux de paix, de développement et de cohésion sociale ; le règlement non juridictionnel des conflits dans les villages et entre les communautés» – mais qui doit assurer au Président le soutien des autorités coutumières. Cinquante-six ans après son indépendance, la Côte-d'Ivoire «tourne définitivement la page des crises successives», veut croire Alassane Ouattara, espérant que le texte suprême suffise, à l'avenir, à protéger le pays.