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Libération
Éditorial

Yitzhak Rabin privé de commémoration, la gauche israélienne touche le fond

Des bougies en hommade à Yitzhak Rabin le 12 novembre 2005, dix ans après sa mort. (AP Photo/Baz Ratner) (Photo AP. Baz Ratner)
publié le 2 novembre 2016 à 19h31

Au lendemain de l'assassinat d'Yitzhak Rabin le 5 novembre 1995, les proches de celui qui avait conclu deux ans plus tôt une «paix des braves» avec Yasser Arafat ont promis de «perpétuer son message» par le biais d'une commémoration annuelle «rassemblant des gens venus de tous les horizons». De fait, les premières années, l'événement a rassemblé du monde à Tel-Aviv. Beaucoup de monde. Mais, au fil du temps, le public est venu moins nombreux, les artistes censés se produire bénévolement à cette manifestation se sont mis à exiger un cachet. Cette année, et pour la première fois depuis vingt-et-un ans, la commémoration nationale - qui devait se dérouler samedi soir - n'aura pas lieu. Faute d'argent et de militants. C'est triste. Et ça l'est encore plus quand on sait que cette débandade reflète l'état actuel de la gauche israélienne.

Rongé par l’appétit du pouvoir, le Parti travailliste longtemps dirigé par Rabin a viré à droite. Yitzhak Herzog, son leader actuel, ne rêve que d’une chose : entrer dans le gouvernement de Benyamin Nétanyahou pour y devenir ministre des Affaires étrangères. Ce faisant, lui qui est censé être le chef de l’opposition n’a plus d’avis sur rien. Il se contente de faire de temps en temps un peu de bruit à la tribune de la Knesset pour montrer qu’il respire encore. Quant au mouvement «la Paix maintenant», il vit dans la nostalgie des manifestations du début des années 80 aux années 90 qui attiraient de 300 000 à 400 000 personnes dans le centre de Tel-Aviv. Un souvenir de plus en plus lointain puisqu’il est aujourd’hui incapable de mobiliser qui que ce soit à part ses quelques permanents.

A qui imputer ce naufrage ? A Nétanyahou et à ses alliés d’extrême droite qui manient la démagogie et le populisme antipalestinien avec un art consommé ? Sans doute, mais pas seulement. Car, depuis la mort de Rabin, la gauche israélienne n’a plus jamais développé le moindre projet politique sérieux. D’Ehud Barak à Benyamin Ben Eliezer et ses successeurs, ceux qui se sont bousculés pour en prendre la tête se sont surtout signalés par leur incompétence alliée à une frilosité idéologique qui fait peine à voir.