A 21 ans, Dina Sayedahmed étudie le journalisme et les sciences politiques à l’université Rutgers dans l’Etat du New Jersey. De confession musulmane, elle a produit et participé à la vidéo «Hijabi World», qui répond à l’islamophobie et aux fausses idées autour de l’Islam et des Américaines qui portent le hijab.
Comment a évolué votre point de vue sur l’élection et les candidats depuis les primaires ?
J'ai toujours pensé que les changements s'opèrent dans les rues et que la vraie révolution commence à l'échelle des citoyens. J'applique ce point de vue à l'élection car j'ai compris qu'un changement de notre système politique n'était pas possible dans un système bipartite. Je ne me restreindrai pas à un choix entre un démocrate et un républicain mais je voterai pour un troisième parti. Je ne suis enthousiaste ni pour Hillary ni pour Trump et je n'adhère pas à l'idée qu'il faut voter pour Hillary afin que Trump ne gagne pas. Pour moi, c'est une façon simpliste de penser, et, qui plus est, est injuste pour le processus démocratique. Nous devons laisser nos votes être guidés par celui que nous voulons, pas celui dont nous ne voulons pas. Je vais voter pour Jill Stein [la candidate écologiste, ndlr] car elle correspond le plus à mes convictions politiques. Mais je suis triste que les votes pour un troisième parti ne pèsent pas plus lourd.
Comment la rhétorique islamophobe de Donald Trump a-t-elle affecté votre famille et vos amis ?
Ma mosquée a été vandalisée très récemment. Un des graffitis affichait «Donald Trump». J'ignore si l'auteur était inspiré par Trump ou par le projet d'expansion de la mosquée, mais cela m'a choquée. J'ai été harcelée dans les rues, dans les trains, les bus, en classe, au restaurant, mais c'était toujours une attaque personnelle. Maintenant que l'attaque porte sur ma communauté, je commence à m'inquiéter pour les sans-papiers ou ceux qui ne parlent pas bien l'anglais. Elles ne peuvent pas se défendre et vivent déjà dans la peur. Je m'inquiète aussi pour les personnes âgées et les nouveaux immigrants qui sont très vulnérables. Je pense aussi aux enfants qui grandissent actuellement dans un milieu où on leur fait croire qu'ils constituent une menace. L'islamophobie nous blesse, mais je n'ai pas peur.
A lire aussi : Trump accable les musulmans, Obama sort de ses gonds
Pensez-vous que les déclarations de Donald Trump ont contribué à la montée de l’islamophobie aux États-Unis où ce sentiment était-il déjà là ?
L'islamophobie a toujours existé, même avant le 11 Septembre. Mais Trump l'a normalisée. Il est devenu acceptable de cracher sa haine contre les femmes, les Mexicains, les musulmans, la classe ouvrière… Et de ne pas être poursuivi pour cela.
Pourquoi avez-vous réalisé la vidéo «Hijabi World» ? Vous êtes-vous déjà sentie discriminée ou en insécurité parce que vous portiez le voile ?
Aucune femme qui porte le hijab aux États-Unis ne s'est jamais sentie victime de discrimination ou en danger à cause de la façon dont elle était habillée. Notre but était de restituer nos histoires mais aussi de se moquer de certaines de nos luttes, comme nos mauvais jours du hijab [jours où le hijab ne veut pas se mettre comme la personne le souhaite, ndlr], les burkinis kitsch, faire du shopping en quête de robes ou de chemises à manches longues en plein été ou encore devoir accorder notre maquillage et nos accessoires à notre hijab. Cependant, le projet est devenu beaucoup plus sérieux après l'annonce du meurtre de trois étudiants musulmans dans la ville de Chapel Hill en Caroline du Nord [en 2015, ndlr]. Ils ont été tués par un voisin, connu pour ses remarques islamophobes et racistes. On a alors décidé de s'attaquer à l'islamophobie et on a dédié la vidéo aux victimes Deah et Yusor Barakat et Razan Abu-Salha. Nous voulons également aider les femmes qui portent le hijab à se sentir bien dans leur peau. Beaucoup d'entre nous grandissent avec l'image de la femme musulmane abusée et oppressée, par les hommes, les coutumes. Nous n'avons pas toujours une image de nous positive et cela a un impact sur notre opinion de nous-mêmes. Beaucoup d'entre nous ont dû arrêter de se haïr. On espère que cette vidéo permettra aux femmes qui portent le hijab de se sentir bien dans leur peau et de s'aimer.