Buffy Wicks, stratège et consultante démocrate qui a travaillé sur les deux campagnes d’Obama puis dans son administration, a dirigé la primaire controversée - et victorieuse - d’Hillary Clinton contre Bernie Sanders en Californie.
La transition de Barak Obama à Hillary Clinton était-elle difficile? Qu’est ce qui vous a fait choisir Clinton plutôt que Sanders?
J'ai rapidement sauté dans le train en marche d'Hillary Clinton en 2014. Beaucoup de mes amis, qui avaient travaillé pour Obama, sont allés avec Bernie Sanders. Moi j'étais simplement convaincue que c'était elle la meilleure candidate à la présidence. Dans une primaire, il faut avoir un profond respect pour le candidat et pour son entourage, il faut être d'accord avec eux dans 90% des cas. Je me souviens avoir regardé le speech d'Hillary en 2008, elle avait tellement de classe. Elle a sincèrement soutenu Barack Obama et a demandé à ses propres partisans de peser de tout leur poids pour lui. Elle a fait passer son pays avant ses propres ambitions politiques.
A votre avis, quelle a été la clé de la victoire de Clinton sur Sanders en Californie?
Bernie a passé beaucoup de temps en Californie, en rassemblant 10 000 personnes à chacune de ses apparitions. Pendant ce temps, Hillary était en campagne contre lui mais également contre Trump. Heureusement à ce moment-là, il était peu probable qu'elle perde la nomination, mais la question était de savoir si nous allions perdre la Californie de deux points et entrer en boitant dans l'élection générale, ou bien remporter une éclatante victoire qui nous catapulterait dans la grande course. Nous savions que pour gagner, il fallait se concentrer sur la mobilisation des communautés de couleur et sur les femmes, notre base. La Californie est l'un des Etats les plus divers du pays. Nous faisions notre démarchage téléphonique en six langues: tagalog [dialecte philippin, ndlr], vietnamien, cantonais, mandarin, coréen et espagnol. Nous avons aussi concentré toutes notre énergie sur le vote anticipé. En Californie, 60% de l'électorat vote avant le jour J. C'est un pourcentage énorme de la population. Nous devions donc faire en sorte que les gens remettent leur bulletin au plus vite. Le jour de l'élection, la course était serrée mais nous savions que nous avions une avance importante parmi ces électeurs-là.
En quoi est-ce que la course contre Donald Trump est une expérience particulière?
Trump est différent de tout autre adversaire politique. Hillary s'en est rendue compte et en a profité pendant les débats. A trois reprises, elle l'a démonté efficacement, en gardant son calme, en maîtrisant la situation, tout en appuyant là où ça fait mal sans donner l'impression de le faire. Je pense qu'il a de sérieux problèmes avec les femmes, et ça a joué pendant les débats. Dans son esprit, perdre face à une femme est la pire chose qui puisse arriver. Vous l'avez entendu dire qu'elle était une «méchante femme». Jamais aucun autre candidat, démocrate ou républicain, ne se permettrait ce genre de remarque. Mais Trump est une star de télé réalité, où ce genre de langage et de grandiloquence marche bien pour le public. Mais quand il s'agit de se présenter à la présidence des Etats-Unis, les électeurs ne sont pas dupes.
Quelle importance le camp Clinton accorde-t-il aux sondages nationaux dans lesquels elle est derrière Trump?
Aucune, parce que ces sondages ne veulent rien dire. Actuellement, ses équipes se concentrent sur les Etats qui pratiquent le vote anticipé, en s’assurant que l’argent est dépensé intelligemment et qu’Hillary est sur le terrain pour faire sa campagne. Nous avons vu des sondages en Californie qui donnaient la main à Bernie. En décembre 2007, Obama était derrière Hillary. Les sondages ne sont pas fiables et ne reflètent pas l’organisation sur le terrain. Hillary a des milliers de militants dans tous ces Etats qui frappent aux portes et recueillent les votes. Trump n’a rien de tout ça.