Charles-Philippe David, président de l'observatoire sur les Etats-Unis de l'UQAM à Montréal et auteur d'Au sein de la Maison Blanche (Presses de Sciences-Po, 2016) compare les futures politiques étrangères (potentielles) des deux candidats à la présidentielle américaine.
Comment définiriez-vous le programme de politique étrangère de Donald Trump ?
C’est un des programmes les plus étranges et incomplets qu’on ait pu entendre lors d’une campagne présidentielle. On pourrait le décrire comme semi-isolationniste et semi-interventionniste. Il défend d’un côté une Amérique protectionniste, reprenant le slogan «America first», et de l’autre il déclare vouloir détruire l’Etat islamique, sans vraiment expliquer comment. Il critique les alliés membres de l’Otan qui, selon lui, ne participent pas assez à l’organisation, et estime que certaines puissances étrangères, comme le Japon, la Corée du Sud et l’Arabie Saoudite devraient avoir l’arme nucléaire. Il se contredit d’un jour sur l’autre.
Ce programme est-il applicable ?
Il n'a aucun fil conducteur. Trump a lui-même déclaré que sa politique étrangère sera «imprévisible», dans un discours en avril. On ne peut pas dire à quoi elle ressemblerait, son positionnement est à l'opposé des fondements républicains interventionnistes. C'est notamment une des raisons pour lesquelles il a très peu de chances d'être élu.
Hillary Clinton est souvent décrite comme un «faucon», une interventionniste en termes de politique étrangère. Qu’en pensez-vous ?
Elle est interventionniste, on peut le dire. En tant que secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, de 2009 à 2013, elle était partisane d’une action américaine plus musclée en Syrie. Lors de l’épisode du fil rouge en septembre 2013, quand des preuves ont établi que des attaques chimiques avaient été menées par Bachar al-Assad, elle s’est opposée à Obama qui a préféré revenir sur sa promesse d’intervenir. En mars 2011, c’est elle aussi qui avait voulu l’intervention américaine en Libye. Disons que c’est une «faucon» modérée. Elle garde la conception d’une Amérique indispensable, gendarme du monde, dans la continuité des prédécesseurs d’Obama. Elle croit à la diplomatie. A la diplomatie au bout du fusil aussi.
Si elle est élue, quels changements cela signifierait pour la politique étrangère américaine ?
Pendant la campagne, elle a dit qu’elle ne déploierait jamais plus les troupes américaines au Moyen-Orient. Elle regrettera sûrement d’avoir fait cette promesse électorale. Un volet sur lequel sa politique risque de changer radicalement de celle d’Obama sont les relations qu’entretiennent les Etats-Unis avec la Russie. Le président a laissé aller le dossier pendant ses deux mandats. Hillary Clinton prendra, sans nul doute, des positions fortes contre le régime de Poutine. Celui-ci craint d’ailleurs qu’elle ne soit élue car elle n’hésitera pas à aller à la confrontation. Cela pourrait avoir des répercussions néfastes sur le conflit en Syrie. Sur le plan économique, elle a durci ses positions vis-à-vis des traités de libre-échange. Probablement qu’elle mettra de l’eau dans son vin si elle est élue.