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Compromis

En Colombie, nouvelle mouture signée pour l’accord de paix avec les Farc

Alors que l'accord de paix avait été rejeté dans les urnes le 2 octobre, le gouvernement et les représentants de la guérilla ont signé samedi à Cuba une version corrigée, qui prend en compte quelques requêtes de la droite conservatrice et des victimes du conflit.
A Bogotá, le 12 novembre, on célèbre l'accord révisé. (Photo Guillermo Legaria. AFP)
publié le 13 novembre 2016 à 18h44

Les négociateurs ne se sont pas découragés. Après le rejet par référendum, le 2 octobre, de l'accord de paix conclu avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, extrême gauche), le pouvoir et la guérilla ont signé samedi une mouture corrigée lors d'une courte cérémonie à Cuba, siège des discussions. «Nous avons compris l'importance d'entendre de nombreuses voix, à la pensée différente», a assuré le porte-parole des rebelles, Iván Márquez.

Les requêtes de la droite conservatrice, qui s'était opposée au texte initial, notamment menée par l'ex-président Alvaro Uribe, ont été entendues pendant plusieurs semaines. Les modifications ont été détaillées dans la soirée par le président libéral Juan Manuel Santos, lors d'une allocution pour «l'union et la réconciliation».

Des conditions durcies pour les guérilleros

Les associations de victimes du conflit ont notamment obtenu que les Farc livrent tous leurs biens pour les apporter en réparation. Les conditions de la simple «restriction de liberté» qui sera ­imposée aux guérilleros responsables de crimes graves qui collaborent avec la justice, très floues au départ, ont aussi été précisées : ils ne pourront en aucun cas se déplacer hors des périmètres équivalents à un hameau. Leurs chefs conservent la possibilité de se présenter dès les prochaines élections, mais s'interdisent de se présenter dans seize nouvelles circonscriptions créées dans les zones les plus touchées par la guerre. Enfin, ils accepteraient de révéler de façon «exhaustive» tout ce qu'ils savent des réseaux de trafic de drogue qui les finançaient.

Le nouveau texte, qui durcit les conditions pour la guérilla, les adoucit pour les milieux économiques. Les Farc caressaient l'ambition de faire toute la vérité sur le conflit d'un demi-siècle ­entre guérillas, Etat et milices ultraconservatrices grâce à un grand déballage national face à un tribunal ad hoc. Mais les entreprises, dont certaines multinationales ont financé les «escadrons de la mort», pourront, dans certains cas, «mettre fin aux procédures» liées au conflit. Les rebelles espéraient aussi une série de réformes pour ­mettre fin aux inégalités rurales, parmi les plus impor­tantes du continent.

Les grands propriétaires ont, eux, obtenu que les chantiers les plus lourds soient ­limités à l'application des lois préexistantes, en écartant tout fantasme d'expropriation et en limitant la possibilité d'augmenter les impôts fonciers, déjà ridiculement bas pour des propriétés de plusieurs milliers d'hectares. «Nous avons déplacé les frontières que nous avions tracées jusqu'aux limites de l'acceptable», juge Iván Márquez.

D’autres aménagements visent à rassurer les églises évangéliques, déterminantes dans la victoire du «non» au référendum. Le nouveau texte limiterait les allusions aux droits des homosexuels et souligne le rôle de la famille et des groupes religieux, en tant que victimes de la guerre et comme recours dans la prévention des drogues.

Un appui incertain

Ces modifications n'assurent pas pour autant l'appui de l'opposition. «Nous avons demandé au Président que les textes soient présentés aux porte-parole du "non" et des vic­times», a rappelé Alvaro Uribe samedi soir, après une rencontre avec Juan Manuel Santos. Ses principales demandes, dont notamment la suppression pure et simple du tribunal ad hoc, n'ont pas été écoutées.

Plutôt qu’un nouveau ré­férendum ou la tenue d’assemblées municipales, évoquées par le président Santos, le pouvoir pourrait maintenant choisir la voie parlementaire pour faire approuver l’accord ­rénové. Les Farc, toujours en cessez-le-feu, resteront entre-temps dans l’incertitude.